Le président américain Donald Trump a laissé entendre lundi qu'il pourrait supprimer l'aide fournie au Pakistan, reprochant une nouvelle fois à Islamabad de ne pas faire assez pour combattre le terrorisme.

« Les États-Unis ont bêtement donné 33 milliards de dollars d'aide au Pakistan ces 15 dernières années, et ils ne nous ont rien donné en retour si ce n'est des mensonges et de la duplicité, prenant nos dirigeants pour des idiots », a écrit le président des États-Unis, dans son premier tweet de 2018 envoyé peu après 7 heures du matin (13h GMT).

« Ils abritent les terroristes que nous chassons en Afghanistan, sans grande aide. C'est fini ! », a lancé M. Trump.

La réaction du Pakistan ne s'est pas fait attendre. Le Pakistan « a donné gratuitement accès aux États-Unis à son espace aérien et terrestre, des bases militaires et une coopération en matière d'intelligence qui ont décimé Al-Qaïda depuis 16 ans, mais ils ne nous ont rien donné en échange, à part des invectives et de la méfiance », a tweeté le ministre pakistanais de la Défense Khurram Dastgir-Khan.

Interrogé peu après sur la chaîne pakistanaise Geo Television, le ministre pakistanais des Affaires étrangères Khawaja Mohammad Asif a attribué les commentaires de M. Trump au fait que les États-Unis se retrouvent « dans une impasse en Afghanistan ». « Si nous recevons de l'argent des États-Unis, c'est pour des services rendus », a ajouté le chef de la diplomatie pakistanaise, qui s'exprimait en Urdu.

Le New York Times avait rapporté la semaine dernière que l'administration Trump examinait très sérieusement la possibilité de ne pas verser 255 millions de dollars d'aide dont le versement a déjà été retardé, estimant qu'Islamabad ne fait pas assez pour combattre les groupes terroristes qui se trouvent sur son territoire.

Une décision devrait être prise « dans les prochaines semaines », précisait le quotidien.

Équation complexe

Les relations américano-pakistanaises étaient déjà difficiles sous l'administration Obama qui dénonçait elle aussi l'attitude ambiguë d'Islamabad, notamment envers les rebelles talibans en Afghanistan que les États-Unis combattent depuis la fin 2001. Elles se sont encore dégradées avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Dernier incident en date, selon le New York Times : le Pakistan a rejeté une demande des États-Unis de pouvoir interroger un combattant du groupe Haqqani, le réseau extrémiste affilié aux Talibans qui est accusé d'avoir retenu en otages pendant cinq ans une famille nord-américaine libérée en octobre par les forces pakistanaises sur la base d'informations fournies par les services de renseignement américains.

En décembre, M. Trump avait déjà menacé de ne plus aider le Pakistan. « Nous versons des sommes énormes chaque année au Pakistan. Il faut qu'ils nous aident », a avait lancé le président lors de la présentation de sa stratégie pour la sécurité nationale.

De son côté, le Pakistan dément de longue date les accusations américaines et reproche à Washington d'ignorer les milliers de Pakistanais tués dans la lutte contre le terrorisme et les milliards de dollars dépensés pour la lutte contre les extrémistes.

L'équation des relations avec le Pakistan est rendue plus complexe par le fait que le pays est une puissance nucléaire, un arsenal que les partenaires d'Islamabad ne souhaitent pas voir tomber aux mains d'extrémistes. En outre, l'armée américaine a besoin de l'aide logistique du Pakistan pour accéder à ses troupes basées en Afghanistan.

Dans un article publié en février, Lisa Curtis, qui est chargée de l'Asie centrale et du sud au Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche estimait que « les activités et opérations menées par divers groupes terroristes depuis le sol pakistanais, et l'échec du gouvernement (d'Islamabad) à les empêcher, menacent les intérêts vitaux des États-Unis dans la région ».

« Les autorités pakistanaises --et plus spécifiquement les dirigeants militaires du pays, qui contrôlent sa politique étrangère et sa sécurité-- doivent adopter une approche globale et interdire tous les groupes extrémistes islamistes, pas seulement ceux qui attaquent l'État pakistanais », ajoutait-elle.

Elle recommandait de réduire l'aide financière des États-Unis au Pakistan pour inciter Islamabad à plus de coopération, et en cas d'échec, de déclarer le Pakistan « État soutenant le terrorisme », ce qui équivaudrait à rompre les relations avec ce pays.