Les autorités de l'Alabama ont officiellement déclaré jeudi le démocrate Doug Jones vainqueur de la sénatoriale choc du 12 décembre contre le républicain Roy Moore, qui refuse toujours de reconnaître sa défaite.

Doug Jones, ancien procureur fédéral, prêtera serment le 3 janvier à Washington au Sénat, où la majorité républicaine tombera de 52 à 51 sièges, sur 100 - une marge de manoeuvre extrêmement mince.

Le résultat final est de 49,97% des voix pour le démocrate, contre 48,34% pour Roy Moore, un ancien magistrat ultra-conservateur qui était soutenu par le président Donald Trump.

L'élection du 12 décembre avait provoqué un mini-séisme aux États-Unis, car jamais depuis 25 ans un sénateur démocrate n'avait été élu dans ce bastion conservateur.

Mais Roy Moore, personnalité très controversée depuis les années 2000, a été accusé d'agressions sexuelles sur des adolescentes il y a plusieurs décennies, ce qu'il nie. À contre-courant de son parti et du président américain lui-même, il n'a pas accepté le résultat du scrutin.

Après l'échec d'un recours devant un juge pour empêcher les autorités de l'Alabama de certifier les résultats jeudi, l'ancien juge a diffusé un communiqué dans lequel il maintient que des fraudes électorales ont eu lieu.

Il n'y concède toujours pas officiellement la défaite, mais il n'a touefois pas annoncé qu'il demanderait un recompte des voix, ce qui est son droit pendant les 48 heures suivant la certification, soit jusqu'à samedi à 13h10 locales.

«Je me suis battu pour la vérité sur Dieu et la Constitution, pour le peuple d'Alabama. Je ne regrette rien. Gloire à Dieu», déclare-t-il, en dénonçant une nouvelle fois les forces de «l'establishment de Washington» qui se sont liguées contre lui.

Roy Moore isolé

Dans sa plainte, il affirmait que les autorités n'avaient pas suffisamment enquêté sur d'éventuelles fraudes électorales, notamment sur une publicité jugée diffamatoire et diffusée avant le vote.

Il fournissait également les analyses «statistiques» de trois experts, dont un à la réputation de théoricien du complot, qui concluaient que Roy Moore avait obtenu un nombre de voix «invraisemblable» dans certains bureaux de vote habituellement républicains.

Le secrétaire d'État de l'Alabama John Merrill, qui supervise les élections locales, a répondu que la plupart des plaintes pour fraudes sur lesquelles ses services ont enquêté étaient fantaisistes: les cinq cars d'électeurs noirs venus du Mississippi voisin n'existaient pas, tout comme les trois minivans de Mexicains soi-disant venus voter illégalement. Ou encore cette ville, «Borderlama», qui aurait eu deux fois plus de bulletins de vote que d'habitants... mais qui n'existe pas.

«Cette élection s'est déroulée dans la plus grande intégrité», a martelé le responsable, qui est républicain, en appelant chacun à ne pas «perpétuer le mythe» d'une fraude.

Roy Moore était isolé dans son camp, les républicains étant pressés de tourner la page d'un épisode qui a déchiré le parti entre l'establishment et l'aile emmenée par le populiste trumpiste Stephen Bannon, qui a appelé les sympathisants républicains à ne pas croire les allégations, publiées initialement dans le Washington Post, un mois avant le scrutin.

Le recours de l'ex-candidat contenait d'ailleurs une attestation de M. Moore «déclarant qu'il a passé avec succès un test au polygraphe (détecteur de mensonges) qui a confirmé que les allégations de mauvaise conduite faites à son encontre durant la campagne étaient totalement fausses».

Agé de 70 ans, Roy Moore avait été élu deux fois président de la Cour suprême de l'Alabama, fonction dont il a été déchu deux fois: la première en 2003 pour avoir refusé de retirer d'un bâtiment judiciaire une statue de deux tonnes en l'honneur des Tables de la Loi; la seconde en 2016, après avoir défié la Cour suprême des États-Unis en refusant d'appliquer sa décision légalisant le mariage homosexuel.

Carlo Allegri, REUTERS

Roy Moore, peu avant qu'il aille déposer son bulletin de vote, le 12 décembre dernier.