L'avenir de la politique menée par le président Trump est en jeu dans l'élection sénatoriale de l'Alabama mardi, un scrutin dominé par les accusations d'agression sexuelle à l'encontre du controversé candidat républicain, Roy Moore.

L'ancien conseiller présidentiel Stephen Bannon, gardien de la révolution trumpiste, est venu marteler ce message dans un coin rural de cet État conservateur du Sud, lundi soir, lors d'un rallye de soutien au candidat, un ancien magistrat ultra-conservateur connu pour ses positions extrêmes sur les homosexuels, les musulmans et la place de la religion dans la politique.

«C'est une élection nationale», a lancé le patron du site pro-Trump Breitbart News, devant quelques centaines de supporteurs rassemblées sur les terres rurales de Midland City, dans une grange en bois régulièrement louée pour des mariages.

L'élection se joue «entre le miracle Trump et le projet d'invalidation» de l'élection présidentielle, a-t-il asséné, érigeant Roy Moore en continuateur du trumpisme appelé à terrasser les forces de l'establishment et les médias qualifiés de «fake news» - qu'il s'est amusé à faire huer par l'auditoire. «Ils essaient de vous faire taire», a lancé Stephen Bannon.

Pour ce rallye, l'équipe Moore avait installé à l'entrée un faux marécage infesté d'alligators... symbole du marais de la capitale fédérale et de ses indéboulonnables parlementaires et lobbys, et que Donald Trump a promis de vider.

«Il est difficile de drainer le marais quand on trempe jusqu'au cou dans les alligators», a repris Roy Moore, 70 ans, peu après.

Le «juge Moore» est devenu trumpo-compatible au fil de la campagne, afin de ramener au bercail les républicains rebutés par son activisme religieux. Outre son rejet des droits des personnes transgenres et du mariage homosexuel, son discours inclut donc la lutte contre l'immigration clandestine et une défense forte, deux priorités de l'occupant de la Maison-Blanche.

Une synthèse qu'il résume d'une formule inspirée du célèbre slogan trumpiste: «Je veux rendre à l'Amérique sa grandeur avec le président Trump, je veux une Amérique grande et bonne, et elle ne sera bonne que lorsque nous serons revenus à Dieu».

«Cadeau pour les démocrates»

Les électeurs sont convoqués pour élire le remplaçant de Jeff Sessions, nommé procureur général des États-Unis au début de l'année.

Les démocrates s'activent pour profiter à la fois de l'extrémisme de leur adversaire et du scandale créé par les allégations d'attouchements sur mineures à la fin des années 1970, que Roy Moore a rejetées en bloc. Jamais depuis 1992 les Alabamiens n'ont élu un sénateur démocrate.

Les sondages sont partagés. Une enquête publiée lundi par Fox News donne Roy Moore perdant de 10 points... Mais une autre, réalisée par Emerson, produit un résultat inverse.

L'équilibre du Sénat américain est dans la balance, et Donald Trump, après avoir tergiversé, a apporté un soutien entier au vainqueur de la primaire de son camp - une alliance pragmatique, tant le président a besoin de garder ce siège dans son camp.

Pour l'état-major républicain, à Washington, l'élection est perdante dans tous les cas. Si Roy Moore l'emporte, le parti craint d'être sali par association. Et s'il perd, la majorité actuelle du Sénat, de 52 sièges sur 100, passera à 51, une marge de manoeuvre extrêmement étroite.

«Roy Moore sera un cadeau pour les démocrates», reconnaît le sénateur républicain Lindsey Graham. «Il sera le sujet central des élections (législatives) de 2018», a-t-il dit sur CNN.

Le candidat démocrate, Doug Jones, est un ancien procureur fédéral de 63 ans, connu pour avoir fait condamner des membres du Ku Klux Klan dans l'incendie mortel d'une église noire à Birmingham. Pour l'emporter, il devra mobiliser la base démocrate et la minorité noire... et convaincre une partie des républicains modérés de franchir le Rubicon et de voter démocrate.

«Il est temps de mettre notre honneur, notre Etat, avant tout parti politique», a-t-il déclaré lundi.

Mais sa position pro-avortement est anathème pour de nombreux républicains, qui pourraient préférer voter pour un candidat tiers.

Ted Crocket, un porte-parole de la campagne Moore, réserve une épithète pour ces républicains: «stupides».

Les bureaux de vote ouvriront de 07h00 à 19h00.

AP

Un jouet alligator sortant d'un «marais» a été installé lors du rallye de Roy Moore, lundi, à Midland City.