Le Sénat américain se préparait vendredi à une longue soirée pour examiner et voter une baisse d'impôts historique, mais la majorité républicaine était confiante, malgré des retards, sur l'adoption de cette grande promesse de campagne du président Donald Trump.

Pendant que l'actualité américaine était dominée par l'inculpation de l'ancien conseiller présidentiel Michael Flynn dans l'enquête sur la Russie, les sénateurs républicains ont marchandé toute la journée, en coulisses, pour finaliser le texte qui sera soumis au vote final. Une réécriture de tout le code des impôts américains selon un processus opaque et dénoncé par l'opposition démocrate.

Mais en fin de journée, les chefs républicains avaient atteint leur objectif: un seul sénateur de la majorité, Bob Corker, a annoncé son opposition. Ce n'est pas assez pour torpiller la réforme.

Pour le locataire de la Maison-Blanche, c'est la priorité des priorités, après l'échec de l'abrogation de la loi sur la santé de Barack Obama. Baisser les impôts est selon lui la clé d'une croissance plus robuste... et du maintien de sa majorité au Congrès lors des élections de novembre 2018.

«Nous avons les voix», a assuré le chef de la chambre haute du Congrès, Mitch McConnell, dès le milieu de journée.

Il y a 52 sénateurs républicains sur 100 sièges, et la majorité n'a donc droit qu'à deux défections, tous les démocrates étant opposés.

Finalement, l'impôt sur les sociétés devrait bien être réduit à 20% (contre 35% aujourd'hui), alors qu'une poignée de conservateurs s'étaient inquiétés du coût pour les finances publiques.

Plusieurs élus républicains qui menaçaient de faire défection sont rentrés dans le rang depuis jeudi, notamment John McCain.

«Je suis heureux d'annoncer que je voterai en faveur de la réforme de la fiscalité», a annoncé un autre, Jeff Flake, qui dit avoir obtenu comme pris de son ralliement un engagement de la majorité et de la Maison-Blanche à collaborer pour régulariser des centaines de milliers de jeunes clandestins.

Augmentation des déficits

De son côté, le dissident Bob Corker, élu du Tennessee, a expliqué qu'il ne pouvait pas cautionner une baisse d'impôts qui creuserait les déficits publics de 1000 milliards de dollars sur la prochaine décennie. Il a échoué à convaincre ses collègues de modérer la gigantesque baisse de l'impôt sur les sociétés.

«Je suis déçu, j'aurais voulu voter oui», a-t-il déclaré. «Mais je ne peux balayer mes principes budgétaires et voter en faveur d'une loi qui alourdirait la dette que les futures générations devront rembourser».

La Chambre des représentants a déjà adopté un projet de réforme fiscale le 16 novembre. Si le Sénat adopte sa version, les deux chambres devront harmoniser leurs textes et revoter, avec un objectif fixé à la fin de l'année.

Les républicains sont relativement soudés sur l'architecture de la réforme: une forte baisse d'impôts pour les entreprises et pour les particuliers, ainsi qu'une grande simplification fiscale qui permettrait aux Américains de remplir leur déclaration d'impôts sur une «carte postale», alors qu'aujourd'hui des millions de contribuables utilisent des logiciels payants ou des comptables pour remplir leurs feuilles d'impôts.

Mais les problèmes des dernières 24 heures sont venus de l'estimation des déficits publics générés par la réforme sur la prochaine décennie: 1000 milliards de dollars, selon le Joint Committee on Taxation, une commission parlementaire non partisane.

Ses experts estiment que la baisse d'impôts coûtera 1400 milliards aux comptes publics entre 2018 et 2027. Contrairement à ce que les promoteurs de la réforme promettaient, le regain de croissance, estimé à 0,8 points par an en moyenne, ne générera que 400 milliards de recettes fiscales supplémentaires.... ce qui laisserait un «trou» de 1000 milliards.

D'autres volets de la réforme sont controversés, notamment la suppression de l'obligation de souscrire une assurance maladie, et l'ouverture de terres protégées de l'Alaska aux forages pétroliers.

Les démocrates commençaient également à passer au peigne fin le texte de plus de 500 pages qu'ils ont obtenu seulement vendredi soir, afin d'identifier tel ou tel avantage fiscal ajouté in extremis par les républicains.

«J'essaie de lire le (plan républicain) mais ils changent le texte à la main en ce moment-même. Quelqu'un arrive-t-il à déchiffrer cela?» a tweeté le sénateur Dick Durbin, en joignant la copie d'une page de la proposition de loi, dont une marge était remplie d'ajouts à la main.