Les commentaires publiés par Donald Trump sur Twitter pour que l'auteur de l'attentat mortel commis avec un camion-bélier à New York, mardi, soit condamné à la peine de mort pourraient être cités en cour comme une preuve de l'existence d'un biais gouvernemental.

Mais des experts affirment qu'il est peu probable que cela porte un réel préjudice au travail des procureurs dans le cadre d'un éventuel procès.

Tard mercredi soir, le président américain a écrit que l'auteur présumé de l'attentat, Sayfullo Saipov, « DEVRAIT RECEVOIR LA PEINE DE MORT ».

Jeudi, il a écrit à l'endroit des procureurs : « Doivent agir rapidement. LA PEINE DE MORT ! »

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James Cohen, professeur de droit à l'Université Fordham, soutient toutefois qu'un juge peut écarter le biais et rejeter tout argument de la défense à ce sujet. « Rien ne ralentit le train », a-t-il affirmé. M. Cohen a indiqué que le juge - qui n'a pas encore été assigné - questionnera les jurés potentiels pour s'assurer qu'ils pourront agir de manière juste et équitable indépendamment de ce qu'ils auront pu avoir lu ou entendu.

Joshua Dratel, un avocat de la défense expérimenté dans les affaires de terrorisme, n'a pas voulu prédire ce qu'un juge pourrait faire, mais il a soutenu que les gazouillis du président devraient proscrire les procureurs de réclamer la peine de mort.

« C'est inconcevable qu'il soit juste et équitable de réclamer la peine de mort après que le président se soit exprimé ainsi dans un tweet. Cela empoisonne les jurés, tous les jurés potentiels », a-t-il argué.

Mercredi, des accusations de terrorisme ont été portées contre le suspect de l'attaque qui a fait huit morts sur une piste cyclable à proximité du World Trade Center, à New York.

Les procureurs fédéraux ont indiqué que l'homme, un immigrant ouzbek de 29 ans, avait été encouragé à commettre ce carnage par la propagande de Daech. Il a même demandé à ce que le drapeau du groupe armé État islamique soit accroché dans sa chambre d'hôpital, ont-ils rapporté, et dit « qu'il se sent bien concernant ce qu'il a fait ».

Blessé par balle, Sayfullo Saipov a comparu en fauteuil roulant. Il n'a enregistré aucun plaidoyer par rapport aux deux accusations portées contre lui, qui sont passibles de la peine de mort.

La police fédérale américaine, le FBI, interroge différentes personnes qui auraient pu être au courant de ses intentions, y compris un deuxième Ouzbek.

L'attaque de mardi, qui a aussi fait 12 blessés, était apparemment en préparation depuis plusieurs semaines. Selon la police fédérale, l'accusé avait loué un camion le 22 octobre pour pratiquer sa conduite et il aurait choisi la journée de l'Halloween en sachant que plus de gens se trouveraient dans les rues.

Cinq des huit morts sont des amis argentins qui s'étaient rendus à New York célébrer le 30e anniversaire de la fin de leurs études.

Donald Trump a dit s'être entretenu avec son homologue argentin, Mauricio Macri, et qu'il lui avait offert ses condoléances.

Les procureurs fédéraux dépeignent Sayfullo Saipov comme un homme « rongé par la haine et une idéologie tordue ».

Saipov, un résident permanent, était arrivé aux États-Unis légalement en 2010, en vertu d'un programme de visa pour la diversité des immigrants. Le président Donald Trump a saisi la balle au bond et rapidement demandé au Congrès d'abolir « dès que possible » ce programme, destiné aux ressortissants de pays qui présentent de faibles taux d'immigration aux États-Unis.

Saipov a vécu en Floride et en Ohio, où il était chauffeur de camion commercial, avant de déménager au New Jersey. Il a récemment travaillé pendant quelques mois pour le service Uber.

Des actes de naissance indiquent que sa femme a accouché de deux filles en Ohio, et selon leur voisin au New Jersey, le couple a récemment eu un nouvel enfant.

Saipov reviendra en cour le 15 novembre.

Son avocat, David Patton, a demandé à ce qu'il reçoive un traitement juste.

« Je vous promets que la manière que nous traiterons M. Saipov dans ce processus judiciaire en dira bien plus sur nous que ça n'en dira sur lui », a-t-il avancé.

Saipov aurait commencé à planifier un attentat il y a un an, avant d'arrêter son choix sur une attaque au véhicule-bélier il y a deux mois. Il aurait épluché internet à la recherche d'informations concernant l'Halloween à New York. Il a fauché piétons et cyclistes sur plus d'un kilomètre, sur une piste cyclable de Manhattan, et prévoyait apparemment continuer son carnage jusqu'au pont de Brooklyn, mais il a embouti un petit autobus scolaire.

Un policier l'a ensuite atteint d'une balle à l'abdomen quand il a refusé de laisser tomber les deux fausses armes qu'il brandissait.

Par ailleurs, deux mosquées situées au New Jersey disent avoir reçu des menaces dans la foulée de l'attentat.

Le Centre islamique du comté de Passaic affirme avoir reçu huit appels téléphoniques menaçants, ce qui a conduit la police à patrouiller plus étroitement le secteur.

La mosquée Omar, que le suspect aurait fréquentée, a également reçu des menaces, selon des informations transmises par le site NorthJersey.com.

Photo Sam Hodgson, The New York Times

L'auteur présumé de l'attentat, Sayfullo Saipov