N'abandonnez pas. Allez chercher un soutien psychologique. Ne regardez pas en arrière. Ils ont composé avec des problèmes pendant plusieurs années après le passage de l'ouragan Katrina, en 2005, qui a ravagé la Louisiane et la côte du Mississippi, en plus d'inonder La Nouvelle-Orléans. Les survivants ont maintenant de douloureux souvenirs, mais aussi une expérience encourageante à partager avec le sud-est du Texas, la Floride et Porto Rico, qui tâchent de se remettre sur pied après cette féroce saison des ouragans.

Cecile Tebo, travailleuse sociale pour l'unité de crise de la police de La Nouvelle-Orléans, se rappelle les deux années suivant la tempête, au cours desquelles la plupart des appels qu'elle recevait concernaient des personnes suicidaires.

«Ça demande une patience énorme et ça demande de l'espoir», expose-t-elle.

«Il y avait tellement de questions», se souvient le pharmacien Ruston Henry, qui a perdu son entreprise et qui a vu sa maison inondée. «Est-ce que ça peut être reconstruit? Est-ce que ça ne peut pas être reconstruit?»

S'il y a une chose qu'ils ont apprise, c'est de ne pas faire cavalier seul.

«Le moyen de survivre à ces traumatismes se trouve dans la communauté», soutient le professeur de droit Bill Quigley, qui avait dû s'établir à Houston pour quelques mois en raison de la relocalisation temporaire de sa faculté.

«Les gens ont renforcé les liens entre eux et avec leur famille, et c'est comment les gens ont survécu», croit-il.

Certains symptômes n'ont pas immédiatement fait surface. Plusieurs mois après le retrait des eaux, les troubles de stress post-traumatique de certains survivants ont commencé à se manifester - des reviviscences, de l'insomnie, des sursauts, un rythme cardiaque accéléré - et ne les ont pas quittés pendant plus d'un an, selon une recherche de Katie McLaughlin.

La professeure en psychologie de l'Université de Washington, à Seattle, signale que la consolidation du système de soutien diminue les risques de stress et d'anxiété débilitants.

Après le passage de Katrina, la dépression était une nouvelle réalité pour Cecile Tebo.

«Un psychiatre m'a dit que j'ai clairement le gène du bonheur», raconte la travailleuse sociale, qui se considère comme pleine de vie par nature. Mais avec le dommage causé par les inondations après la rupture des digues de La Nouvelle-Orléans, elle ne savait plus où habiter avec son mari et leurs enfants. Ils ont dû se battre avec leurs assureurs et avec l'agence américaine des situations d'urgence. Un de leurs proches s'est enlevé la vie.

Sans compter son travail au sein du corps policier.

«La plupart des appels concernaient des gens qui étaient ici en train d'essayer de reconstruire, qui n'avaient jamais vraiment d'antécédents de problèmes de santé mentale, mais qui commençaient à se sentir en détresse, sans espoir et très suicidaires», raconte-t-elle.

Elle se rappelle un moment, quelques mois après la tempête, où, épuisée, elle a été incapable de se tirer hors du lit pour cinq jours.

Mme Tebo a demandé un soutien psychologique il y a deux ans seulement.

«J'aurais probablement dû le faire plus tôt», admet-elle.

Les professionnels en santé mentale peuvent se faire rares après une catastrophe, mais les organismes communautaires et les groupes confessionnels peuvent apporter un certain soutien.

Ce qui aide, c'est aussi d'aider les autres, soulignent les survivants.

«La meilleure manière de survivre est de s'investir dans une lutte pour la justice pour sa famille, pour son quartier, pour sa communauté», indique Bill Quigley.

La patience est aussi d'une grande aide, reconnaît l'avocat spécialisé dans la défense des droits de la personne. «On ne peut pas survivre sans l'assistance du gouvernement, mais le dysfonctionnement du gouvernement peut nous rendre fous.»

Certaines régions du Texas et de la Floride durement touchées par Harvey et Irma ont besoin d'attention, mais Porto Rico, où Maria a dévasté des communautés déjà appauvries, nécessitera un soutien à long terme, signale le recteur de la faculté de santé publique de l'Université de Boston.

«Les gens touchés par ces événements sont toujours de manière disproportionnée des gens marginalisés, qui sont déjà sous des pressions économiques et sociales», déplore Sandro Galea.

Même les gens aisés doivent faire preuve de détermination, lance Ruston Henry, qui a dû accepter un poste de pharmacien dans un Walmart pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs enfants tout en réparant leur maison.

«C'était catastrophique, c'était traumatisant, admet-il. Mais, ce sont les défis auxquels on est confronté. On doit s'endurcir et y parvenir.»