Le scandale provoqué par les accusations d'agressions sexuelles contre le producteur de cinéma Harvey Weinstein a atteint la sphère politique, où le parti démocrate est accusé d'avoir tardé à prendre ses distances vis-à-vis de l'un de ses généreux donateurs.

Harvey Weinstein, 65 ans, est accusé d'avoir harcelé sexuellement de jeunes actrices, mannequins et employées depuis les années 1990. Des actrices célèbres ont témoigné publiquement, dans le New York Times et le New Yorker depuis la semaine dernière, notamment Mira Sorvino, Rosana Arquette, Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie, Emma de Caunes et Judith Godrèche, qui ont décrit des avances sexuelles insistantes formulées par le puissant producteur, souvent dans une chambre d'hôtel, alors qu'il n'était vêtu que d'un peignoir, voire nu.

Trois femmes l'ont accusé de viol, la star italienne Asia Argento, l'actrice Lucia Evans et une autre femme restée anonyme. Par un porte-parole, il a affirmé que toutes les relations sexuelles étaient consenties.

Le producteur s'est fait licencier de sa compagnie de production, The Weinstein Company, et sa femme, Georgina Chapman, a annoncé mardi sa séparation.

On ignorait où il se trouvait mercredi. Selon le site TMZ, il se serait rendu en «Europe» pour une cure de désintoxication sexuelle.

«Pas de commentaire», a répondu à l'AFP sa porte-parole Sallie Hofmeister mercredi.

Très liés aux démocrates

En attendant, le parti républicain a saisi l'occasion pour accuser les démocrates d'hypocrisie.

«Joignez l'acte à la parole: rendez tout l'argent sale d'Harvey Weinstein», a lancé le parti dans une nouvelle vidéo mercredi.

Car Harvey Weinstein était une figure incontournable pour tous les grands candidats démocrates depuis deux décennies, bien qu'il ne fasse pas partie des plus riches contributeurs.

Il a personnellement donné 1,4 million de dollars à des candidats ou comités démocrates ou au parti depuis 1990, selon le Center for Responsive Politics. À cela s'ajoutent des centaines de milliers de dollars levés auprès de son réseau au profit de Barack Obama en 2012 et d'Hillary Clinton en 2016, ce qui lui permettait d'accéder à un niveau supérieur dans l'échelle des donateurs.

Mieux, Harvey Weinstein a invité une cinquantaine de VIP new-yorkais en août 2011, en présence de stars comme Gwyneth Paltrow et Alicia Keys, à son domicile de New York pour une réception de collecte de fonds pour le président Barack Obama, en la présence de celui-ci.

Harvey Weinstein était un habitué de la Maison-Blanche. Il était notamment au dîner d'État en l'honneur du premier ministre britannique en 2012, ainsi qu'à la table d'honneur d'un déjeuner au département d'État avec Angela Merkel, en présence d'Hillary Clinton, en 2011.

Pour la candidate, le producteur a organisé une réception à son domicile, pour une soixantaine de grands donateurs. Prix de l'entrée: 33 400 dollars.

Rendre l'argent ?

Finalement, après plusieurs jours de silence, Hillary Clinton s'est dite mardi «choquée et écoeurée», tandis que Barack et Michelle Obama se déclaraient «dégoûtés».

«Hillary a mis environ 5 minutes à accuser la NRA après la fusillade commise par un fou, mais 5 jours pour, du bout de la langue, dénoncer Harvey Weinstein pour les agressions sexuelles», a raillé Kellyanne Conway, conseillère du président Donald Trump.

«Peut-être qu'Hollywood va arrêter ses leçons de morale à la con», a ajouté le fils aîné du dirigeant, Donald Jr.

Au-delà des dénonciations, ces républicains réclament le remboursement des sommes, ce que de nombreux sénateurs démocrates ont commencé à faire, en redonnant souvent l'argent à des associations caritatives ou de défense des femmes. Le parti démocrate, qui a reçu des centaines de milliers de dollars au fil des ans, a annoncé avoir l'intention de redonner une partie de l'argent.

Pour Hillary Clinton, le montant donné directement de la poche du producteur déchu est dérisoire à l'échelle d'une campagne, seulement 5400 dollars en 2015/2016. Mais l'enjeu est symbolique.

Une bataille invraisemblable, pour les démocrates, qui rappellent que la plupart des républicains sont restés solidaires de Donald Trump après la divulgation d'une vidéo, en octobre 2016, dans laquelle il se vantait d'attraper les femmes «par la chatte».

«Il est ironique que les républicains s'agitent autant autour de Harvey Weinstein quand le président lui-même a été accusé de harcèlement sexuel 15 fois», a lancé Jennifer Granholm, ancienne gouverneure démocrate, sur CNN.