La revendication de la tuerie de Las Vegas par le groupe armé État islamique (EI) continue d'être jugée peu crédible par les autorités policières américaines, qui affirment n'avoir trouvé aucun lien entre le tireur et l'organisation terroriste.

Dans ce contexte, nombre d'analystes se perdent en conjectures sur l'objectif de l'intervention publique de l'EI.

« Ils sont habituellement très méticuleux dans ce qu'ils revendiquent et ce qu'ils passent sous silence », relève en entrevue Herbert Tinsley, qui est rattaché à un centre de recherche sur le terrorisme de l'Université du Maryland.

Dans le cas de Las Vegas, il est impossible d'exclure définitivement à ce stade l'existence d'un lien avec le groupe terroriste, qui a présenté le tireur, Stephen Paddock, comme un « soldat » djihadiste s'étant converti à l'islam il y a plusieurs mois.

Aucun élément ne permet cependant de démontrer pour l'heure qu'il existe une association directe entre Paddock et l'EI ou encore que le tireur a décidé d'agir seul après avoir été exposé à la propagande de l'organisation, affirme M. Tinsley.

Le chercheur estime que le recul territorial enregistré en Irak et en Syrie par l'EI, qui est sur la défensive militairement, pourrait l'amener à revendiquer sans fondement des actes violents d'envergure comme celui survenu dimanche.



VISIBILITÉ MÉDIATIQUE

D'autres revendications récentes de l'organisation terroriste concernant une attaque armée dans un casino philippin et une fausse alerte à la bombe dans un aéroport parisien ont aussi soulevé des interrogations quant à la crédibilité des interventions publiques de l'organisation.

Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l'Université d'Ottawa, souligne que l'EI n'a pas l'habitude de revendiquer des attentats à tort et à travers.

Ses dirigeants s'abstiennent même parfois, dit-il, lorsqu'il existe un lien direct apparent, comme ce fut le cas pour l'attentat survenu le week-end dernier à Edmonton. Son auteur avait placé un drapeau de l'organisation dans le véhicule avec lequel il a happé des piétons.

Il est possible, note M. Juneau, que l'organisation terroriste ait décidé de s'associer à la tuerie de Las Vegas de manière à s'assurer une visibilité médiatique maximale, ne serait-ce que brièvement.

Le stratagème n'est pas sans risque, puisque la répétition de revendications infondées pourrait miner sa crédibilité auprès de personnes qui pourraient être tentées de rejoindre le mouvement, relève Herbert Tinsley.

« Des gens qui veulent se consacrer au djihad vont analyser la situation pour tenter de déterminer s'il s'agit d'une manifestation de force ou de faiblesse », dit le chercheur.

M. Juneau pense aussi que l'EI risque de miner ses efforts de recrutement en poursuivant un tel stratagème.

« C'est certain qu'ils ne peuvent pas faire ça trop souvent. [...] Leur habilité à faire des calculs stratégiques à long terme est peut-être aussi sur le déclin », relève-t-il.