La réponse du football à Donald Trump a été spectaculaire. Les joueurs de la NFL ont massivement posé un genou à terre en début de matchs dimanche, un geste de défiance que le président américain considère comme un manque de respect à l'Amérique

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La vague de protestations est survenue quelques heures après que Donald Trump a suggéré aux amateurs de boycotter les équipes dont les joueurs ne respectent pas l'hymne national.

«Si les fans de la NFL refusent d'aller aux matchs jusqu'à ce que les joueurs arrêtent de manquer de respect à notre drapeau et notre pays, vous verrez rapidement un changement. Virez ou suspendez!», a ainsi tweeté dimanche le président américain, arguant que «les propriétaires (des équipes) doivent faire quelque chose».

Avant de monter à bord d'Air Force One, dimanche soir dans le New Jersey pour revenir à Washington, Donald Trump a réitéré que ces marques de protestation étaient «irrespectueuses».

«Nous avons un grand pays. Nous avons un grand peuple qui représente notre pays, spécialement nos soldats et nos premiers intervenants. Ils doivent être traités avec respect», a-t-il dit à des journalistes.

«Lorsque vous posez un genou à terre et ne respectez pas le drapeau ou l'hymne américain, c'est manquer de respect. Cela n'a rien à voir avec la race ou autre chose. Cela a à voir avec le respect», a-t-il insisté.

Genou à terre, poing levé

Dimanche, dans les 14 matchs de la NFL, plus de 150 joueurs ont posé un genou à terre et nombre d'entre eux se tenaient par les bras durant l'hymne américain, traditionnellement interprété avant le début de la rencontre où joueurs et public se tiennent debout, la main droite sur le coeur.

Certains joueurs noirs ont également levé le poing, imitant le geste des deux athlètes afro-américains gantés durant les Jeux olympiques de 1968.

«Super solidarité pour notre hymne national et pour notre pays. Se tenir debout par les bras c'est bien, s'agenouiller c'est inacceptable», avait tweeté M. Trump dans la foulée.

Autre forme de protestation : lorsque l'hymne s'est fait entendre à Nashville, ni les Seahawks de Seattle, ni les Titans du Tennessee n'étaient présents sur le terrain. «Nous ne nous lèverons pas pour l'injustice qui a accablé les gens de cette couleur dans ce pays», ont affirmé les joueurs des Seahawks dans un communiqué.

L'origine du genou à terre remonte à l'été 2016, lorsque l'ancien quart-arrière des 49ers de San Francisco Colin Kaepernick l'avait effectué - et provoqué un scandale national - pour protester contre les meurtres de plusieurs Noirs abattus par des policiers blancs.

Le président Trump, élu sur un discours populiste et nationaliste, s'en était pris sans le nommer à ce joueur vendredi lors d'un rallye : «Est-ce que vous n'aimeriez pas voir un de ces propriétaires (d'équipe) de NFL dire, quand quelqu'un manque de respect à notre drapeau, "Ssortez-moi ce fils de pute du terrain, il est viré, viré!"».

Après cette première missive et une escalade verbale pendant le week-end, les joueurs de football de la NFL sont désormais engagés dans un bras de fer très symbolique avec le président républicain.

«Beaucoup de personnes pensent que nous ne respectons pas le drapeau et l'armée mais mon père était un Marine, mon oncle était un Marine, ma famille a combattu au Vietnam, j'ai le plus grand respect pour les hommes et les femmes qui se battent pour notre liberté», a déclaré Brandin Cox, le receveur des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, vainqueurs du Super Bowl.

Le propriétaire des Patriots, Robert Kraft - un ami personnel de Donald Trump - s'était d'ailleurs dit «profondément déçu» peu avant le match de dimanche «par la tonalité des propos tenus par le président».

Boule de neige 

«Je connais nos joueurs qui se sont agenouillés pendant l'hymne national et ce sont des jeunes hommes intelligents avec du caractère» qui «voulaient lancer un dialogue», avait abondé, également avant les matchs, le propriétaire des Dolphins de Miami, Stephen Ross.

«En ce moment, notre pays a besoin d'un leadership qui unit, pas de davantage de division», avait-il ajouté.

Donald Trump s'en était pris samedi au basketball, en retirant l'invitation à la Maison-Blanche pour les Warriors de Golden State, champions en titre de la NBA. 

En cause, l'opposition notamment du meneur Stephen Curry à la politique du président américain. La décision a provoqué une pluie de critiques.

Il a annoncé dimanche que les Penguins de Pittsburgh, champions de la coupe Stanley, seraient reçus prochainement à la Maison-Blanche.

La polémique semble avoir créé un effet boule de neige, le geste controversé s'étant propagé samedi soir au baseball, avec le premier joueur de la ligue professionnelle, Bruce Maxwell des A's d'Oakland, à s'agenouiller durant l'hymne.

La star de l'athlétisme Allyson Felix a apporté son soutien au mouvement. «Reconnaissante à tous ceux qui s'expriment à ce moment-charnière. Trop c'est trop. Nous avons le pouvoir de créer le changement», a-t-elle écrit sur Twitter.

La controverse s'est même exportée à Londres dimanche, où se rencontraient dans le cadre d'un match d'exhibition deux équipes de la NFL.

Au-delà des frontières du sport, Stevie Wonder a lui aussi posé un genou à terre durant un concert samedi soir à New York. Signe que le geste pourrait devenir un symbole anti-Trump.

AP

Bruce Maxwell lors de l'hymne national, samedi soir.