Des vents très violents et une mer déchaînée commencent à battre l'extrême sud de la Floride, où le gigantesque ouragan Irma doit arriver dimanche, après avoir fait 25 morts et d'énormes dégâts dans les Caraïbes.

«Je vais prier beaucoup, beaucoup. Avec mon papa et mes soeurs», confie Keilyn Mora, à l'AFP dans un refuge. Comme cette adolescente de 16 ans, des dizaines de milliers de personnes évacuées vont attendre dans l'angoisse l'arrivée sur la côte ouest de la Floride de cette dépression de la taille du Texas, tôt dimanche matin.

Des centaines de milliers d'autres ont pris la route pour fuir vers le nord. Au total, 6,3 millions d'habitants - plus du quart de la population - du «Sunshine State» ont eu l'ordre d'évacuer.

Vers 1h GMT, l'oeil de l'ouragan se trouvait à 170 kilomètres au sud-est de Key West, le point le plus au sud des États-Unis, avec des vents de 205 km/h. Mais Irma doit se renforcer en se rapprochant et redevenir un très dangereux ouragan de catégorie 4 avec des vents de plus de 240 km/h.

Cuba durement touché

Irma s'éloignait lentement, à seulement 15 km/h, de la partie nord de Cuba, où il a «gravement affecté» les provinces de Camagüey et de Ciego de Avila, selon les autorités. Les «cayos», chapelet d'îlots touristiques bordant le littoral, demeuraient coupés du monde samedi soir.

Les premiers bilans font état de dégâts matériels très importants, aucun décès n'a été recensé officiellement.

Des vagues de sept mètres ont été enregistrées sur la côte nord et La Havane, où vivent deux millions d'habitants, a été placée en «alerte» cyclonique face au risque d'inondations.

Un sort similaire attend maintenant une bonne partie de la Floride.

«Tempête tropicale»

La zone «subit déjà des vents de la force d'une tempête tropicale et une mer dangereuse», a affirmé le gouverneur de Floride Rick Scott lors d'une conférence de presse dans la soirée. Avec leur faible altitude, les îles des Keys sont particulièrement vulnérables à la montée des eaux.

«Si on vous a donné l'ordre d'évacuer, vous devez le faire maintenant. C'est votre dernière chance de prendre une bonne décision», a martelé le gouverneur Scott.

«C'est une tempête d'une énorme puissance destructrice, et je demande à tous ceux qui se trouvent sur le passage de la tempête de suivre TOUTES les consignes des responsables du gouvernement», a tweeté le président américain Donald Trump.

Il passe le week-end dans la résidence présidentielle de Camp David avec son cabinet et a été dûment informé de l'avancée d'Irma et des préparatifs des secours.

Irma devrait provoquer «des inondations sur plusieurs centaines de kilomètres de côte à cause d'une marée de tempête potentiellement meurtrière», ont mis en garde les météorologues américains (NWS).

«Ça peut recouvrir votre maison (...) Vous ne survivrez pas à la montée des eaux», a lancé Rick Scott, alors que l'eau pourrait atteindre 4,5 mètres de haut à la pointe sud-ouest de l'Etat.

Plusieurs villes ont instauré un couvre-feu nocturne à partir de samedi soir, pour réduire les pertes humaines et empêcher les éventuels pillages.

Plages sans baigneurs, rues désertes et gratte-ciel vides, Miami Beach avait des airs de ville fantôme samedi.

Certains refusaient pourtant de partir, comme Scott Abraham, un agent immobilier qui compte rester avec sa femme et ses deux enfants dans son appartement, au 5e étage d'un immeuble donnant sur la plage. «Si j'habitais dans une maison, je serais parti», a-t-il expliqué. «Mais si on est inondés ici, ça va nous prendre au moins une semaine avant de pouvoir revenir, c'est hors de question».

«Pire scénario»

Alors que l'est était au départ particulièrement menacé, c'est l'ouest de la péninsule floridienne qui se trouvait directement dans le viseur de l'ouragan, d'après les prévisions du NHC.

«C'est le pire scénario pour notre ville, et notre région», a déploré sur CNN Randall Henderson Jr, le maire de Fort Myers, tout en cherchant à rassurer la population. «Nous sommes prêts».

Des bus scolaires ont aidé à l'évacuation et plus de 54 000 habitants ont déjà trouvé refuge dans les abris.

Les évacués ont été hébergés dans des centres d'accueil choisis pour la robustesse des bâtiments et leur éloignement du bord de mer. À Collier-North, en banlieue de Naples (sud-ouest), plusieurs dizaines d'évacués et leurs animaux de compagnie sont logés dans différentes salles communes, sans fenêtre ou aux accès sécurisés contre la montée des eaux.

«J'ai pris peur, vraiment peur. Pas seulement moi, mais j'ai reçu des appels de ma fille, de beaucoup de gens, et des messages, tout le monde s'inquiétait, j'ai même reçu un appel bizarre d'un ami que je n'ai pas vu depuis soixante ans», a raconté Robert Nicodemo, 71 ans, qui au départ ne souhaitait pas quitter son logement.

Pillages à Saint-Martin

L'ouragan a dévasté plusieurs des Caraïbes et fait déjà fait au moins 25 morts: dix dans la partie française et deux dans la partie néerlandaise de Saint-Martin, quatre dans les îles Vierges américaines, six dans les Iles Vierges Britanniques et l'archipel d'Anguilla, deux à Porto-Rico, une à Barbuda.

Les îles ravagées de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont été placées samedi en «alerte maximale», avec confinement des populations, avant l'arrivée de José, un puissant ouragan de catégorie 4 qui suit la trajectoire d'Irma.

Mais José est passé plus loin que prévu de ces deux îles, a annoncé Météo France, le service français de prévision météorologique.

Des journalistes de l'AFP présents sur place ont confirmé que les deux îles avaient été épargnées par l'ouragan José. «Il n'y a même plus un nuage», a dit l'une d'elle.

Confusion, désarroi et tensions régnaient toutefois chez les habitants de Saint-Martin après le passage d'Irma. Un chaos profitant aux pilleurs, qui se sont rués dans les magasins pour emporter frigos ou téléviseurs.

Ailleurs dans les Caraïbes, les 1600 habitants de l'île de Barbuda, dévastée par Irma en milieu de semaine et également sur la route de José, ont été évacués vers Antigua.