La suppression du programme pour jeunes sans-papiers DACA devrait coûter très cher à la Californie, qui accueille un quart des bénéficiaires et qui a promis une féroce bataille pour protéger ses «Rêveurs».

«La suppression du DACA sera dévastatrice pour la Californie, où vivent plus de 200 000 bénéficiaires», surnommés «Dreamers» (rêveurs), prédit Gabriel Chin, professeur de droit à l'université UC Davis.

«L'incertitude qui pèse désormais sur leur statut, la possibilité qu'ils soient expulsés, (...) menace d'avoir de graves conséquences économiques et humaines pour l'État» le plus peuplé de la fédération, ajoute cet expert.

Une étude du centre de réflexion indépendant Center for American Progress publiée en janvier évaluait le coût de la fin du DACA à 11,3 milliards de dollars par an pour la Californie, plus que tout autre État américain.

Les responsables californiens sont immédiatement montés au créneau.

Le DACA «a eu un impact formidable pour l'économie californienne et celle de notre nation, nous sommes prêts à aller devant les tribunaux pour le défendre», a promis mardi Xavier Becerra, le ministre de la Justice californien, d'origine mexicaine.

Dénonçant une décision qui «menace de briser des familles, mettre en danger notre économie sans rien faire pour unifier ou sécuriser l'Amérique», le maire de Los Angeles Eric Garcetti a ajouté que les jeunes bénéficiaires du DACA «ont leur place ici. Nous nous battrons pour qu'ils restent».

Avenir compromis 

En Californie, État américain qui accueille le plus grand nombre d'immigrés et où les Hispaniques sont plus nombreux que les Blancs, des dizaines de milliers de Dreamers vivent dans la vallée centrale où ils travaillent dans l'agriculture. Mais la majorité réside dans l'agglomération de Los Angeles.

Un tiers d'entre eux sont étudiants et risquent de devoir retourner dans la clandestinité au lieu de s'engager dans les carrières qu'ils projetaient.

Les bénéficiaires du DACA «ont obtenu des diplômes, ouvert des comptes en banque, acheté des voitures, des maisons» et «aidé à faire de notre État la sixième économie du monde», martèle Kevin de Leon, président du Sénat californien d'origine guatémaltèque.

«L'État a fortement investi dans la formation de ces jeunes. S'ils ne peuvent travailler au niveau de leur formation, cet investissement» sera perdu, remarque aussi Louis Desipio, professeur de sciences politiques à l'université UC Irvine.

Signe de la forte opposition à la disparition du DACA, des milliers de personnes ont manifesté à Los Angeles, San Francisco, San Diego, etc. Les établissements scolaires et universitaires ont promis de protéger leurs élèves sans-papiers, publiant également des documents d'information sur leurs droits et l'aide juridique.

Marge de manoeuvre limitée 

Les dirigeants des plus prestigieuses entreprises californiennes, de Disney à Facebook en passant par Apple, ont déploré la fin du DACA.

Et après le bras de fer des «villes sanctuaires» comme San Francisco, Los Angeles ou Berkeley qui refusent de coopérer avec la police de l'immigration, la Californie se prépare à une nouvelle passe d'armes avec l'administration fédérale.

Les experts soulignent toutefois que la marge de manoeuvre des autorités locales est limitée car la politique d'immigration relève de l'État fédéral.

Les autorités et la police californiennes «peuvent limiter leur coopération avec la police de l'immigration», ou écrire des législations pour permettre aux «Dreamers» de travailler dans les universités contre la gratuité des cours «mais ça ne les empêchera pas de perdre leur permis de travail», relève Louis Desipio.

Une possibilité pourrait être de remettre en cause la constitutionnalité de la décision de l'administration Trump.

«La loi c'est aussi tenir les promesses (fédérales) envers les bénéficiaires du DACA et non pas leur couper l'herbe sous le pied» après les avoir incités à sortir de la clandestinité, affirme sur Twitter la directrice juridique du Centre national sur les lois migratoires (NILC), Karen Tumlin, qui ajoute «rendez-vous au tribunal, M. le président. Une fois encore».

Le Sénat californien examine aussi ses options, et l'une des responsables du comté de Los Angeles, Hilda Solis, propose la politique du porte-monnaie: restreindre les voyages et les dépenses qui bénéficieraient aux États américains soutenant la fin du DACA.

Autre moyen de pression: alors que se profilent les élections parlementaires de 2018, nombre d'élus républicains californiens risquent de se retrouver en difficulté. De quoi faire réfléchir les stratèges du Grand Old Party à Washington.