C'est lorsqu'elle a dû quitter la synagogue Beth Israël par la porte arrière que Diane Gartner Hillman a compris la nouvelle réalité de la communauté juive de Charlottesville, en Virginie.

N'importe quel autre samedi, les fidèles seraient sortis de la seule synagogue de la ville par l'avant et auraient marché sans crainte jusqu'à leur voiture, stationnée près de la statue du général Robert E. Lee dans le parc de l'Émancipation.

Mais ce jour-là, des hommes habillés en chemises blanches et en pantalons kaki et des suprémacistes blancs transportant des fusils semi-automatiques défilaient devant leur lieu de culte. Ils les taquinaient en imitant l'accent de Brooklyn et se moquant d'expressions yiddish, comme «Oy Vaï».

«Nous nous trouvions dans un monde différent de celui que nous connaissions jusque là», a raconté Mme Hillman, vendredi, alors que les fidèles entraient dans la synagogue où sont maintenant postés des policiers.

«Nous ne savons pas comment les choses vont évoluer à partir de maintenant», s'est inquiétée la dame de 69 ans.

La présence de hordes de racistes et la mort de trois personnes à Charlottesville, le week-end dernier, ont suscité beaucoup d'anxiété au sein de la communauté juive.

La violence antisémite connaît une montée aux États-Unis, selon la Ligue anti-diffamation et d'autres organisations de surveillance des groupes haineux. Mais l'intensité du fanatisme démontré à Charlottesville a atteint un niveau rarement vu dans l'espace public.

Le président de Beth Israël signale que des sites web nazis avaient appelé à brûler sa synagogue.

«Heureusement, ce n'était que des paroles, mais nous avions déjà jugé qu'une telle attaque était possible, retirant par précaution nos Torahs, y compris un rouleau de l'Holocauste des locaux», a-t-il écrit sur le site web de l'Union pour le judaïsme réformé.

La synagogue a embauché un gardien de sécurité armé pour la première fois, samedi dernier, et prévoit accroître encore davantage sa sécurité, selon la page Facebook de la congrégation.

Un fidèle de Beth Israël a été blessé par «le terroriste qui a utilisé sa voiture comme une arme, mais se rétablit dans un hôpital local et devrait être pleinement rétabli», est-il précisé.

Si cette démonstration de haine a inspiré la peur, elle a tout autant ravivé l'esprit de communauté de cette ville universitaire habituellement tranquille.

Cale Jaffe, professeur de droit à l'Université de Virginie, dit avoir observé les suprémacistes blancs marcher, munis d'armes à feu et équipés de casques et d'armures, «avec l'intention explicite d'intimider et de créer de la violence». Il raconte s'être alors senti pour la première fois inquiet d'entrer dans sa synagogue.

Plusieurs résidants non-juifs de Charlottesville s'y sont rendus en signe de solidarité, a-t-il ajouté.

«Ce qui me donne l'espoir d'aller de l'avant, c'est de savoir qu'autant de gens de la grande communauté de Charlottesville agissent ainsi et sont là avec nous», conclut Cale Jaffe.