En pleine nuit ou dans la matinée mercredi, des monuments rendant hommage au camp confédéré de la guerre de Sécession ont été retirés aux quatre coins des États-Unis, symboles jugés racistes et devenus insupportables pour de nombreux Américains après les violences de Charlottesville.

Les événements de samedi dans cette petite ville de Virginie, où une jeune femme a été tuée lors de violences entre suprémacistes blancs - protestant contre le retrait d'une statue d'un général sudiste - et contre-manifestants, ont soufflé sur les flammes d'un débat qui gronde depuis plusieurs années: que faire des monuments aux soldats confédérés morts pendant ce sanglant conflit de quatre ans, vestiges controversés du Sud esclavagiste?

Le président Donald Trump a semblé donner raison mardi aux défenseurs de ces monuments, lors d'une conférence de presse qui a choqué jusqu'au coeur de son parti républicain.

«George Washington possédait des esclaves (...). Est-ce qu'on va enlever ses statues? Et Thomas Jefferson? Est-ce qu'on va enlever ses statues? Il possédait beaucoup d'esclaves», a-t-il déclaré, en référence aux premier et troisième présidents des États-Unis, tous deux morts bien avant la guerre de Sécession (1861-1865).

Quelques heures plus tard, Baltimore, à 80 kilomètres au nord de Washington, a décidé d'agir: les statues confédérées de la ville - parfois monumentales - ont été retirées entre 23h30 mardi et 05h30 mercredi, ne laissant que les piédestaux souvent couverts de graffitis antiracistes ou célébrant le mouvement de défense des Noirs, Black Lives Matter.

«Partout dans le pays, les gens se mobilisent pour demander que les statues soient retirées», a expliqué sur CNN Catherine Pugh, la maire de cette ville de 614 000 habitants, dont 63% sont Noirs. «Faisons-le et passons à autre chose.»

«Agir rapidement» 

À Los Angeles, un autre monument qui avait été menacé de vandalisme à été déboulonné mercredi matin dans l'un des plus anciens cimetières de la ville, le Hollywood Forever Cemetery, selon le Los Angeles Times.

Et à New York, une plaque célébrant la mémoire du même général sudiste, Robert E. Lee, honoré par la statue au coeur des violences de Charlottesville, a également été retirée mercredi d'une église épiscopale.

«Quelqu'un a appelé hier pour en parler à l'évêque et il a décidé de le faire rapidement», a expliqué Denise Fillion, responsable de la communication du diocèse épiscopal de Long Island.

Le gouverneur de l'État de New York, Andrew Cuomo, a de son côté appelé l'armée à accepter de changer les noms de rue rendant hommage aux généraux confédérés. «Les symboles de l'esclavage et du racisme n'ont pas leur place à New York», écrit-il dans une lettre.

Des monuments avaient déjà été retirés en début de semaine, notamment dans le sud où il n'est pas rare de voir encore flotter des drapeaux confédérés.

À Durham, en Caroline du Nord, la statue d'un soldat confédéré érigée en 1924 a été renversée lundi par des manifestants et, le même jour, une autre a été déboulonnée à Gainesville, en Floride. À Nashville, au Tennessee, des dizaines de manifestants ont réclamé le retrait du Capitole d'un buste de Nathan Bedford Forrest, général confédéré et fondateur du Ku Klux Klan.

Le maire de Lexington, au Kentucky, a lui annoncé dès samedi sa volonté de déplacer deux statues confédérées.

«Nous ne pouvons pas continuer à rendre hommage à ces hommes qui se sont battus pour préserver l'esclavage, sur un sol où des hommes, des femmes et des enfants ont été eux-mêmes vendus comme esclaves», a justifié Jim Gray, soulignant qu'«à Lexington se trouvait l'un des plus grands marchés aux esclaves d'Amérique».

AP

Une plaque célébrant Robert E. Lee enlevée à Brooklyn.

«Provocation» 

La controverse autour du drapeau confédéré avait été ravivée en juin 2015, après le meurtre de neuf Noirs dans une église de Caroline du Sud par un suprémaciste blanc qui aimait poser avec ce drapeau.

Un mois plus tard, cet État du sud-est décidait d'enlever ce drapeau de son parlement. L'Alabama de même.

Selon un rapport en 2016 du Southern Poverty Law Center (SPLC), spécialisé dans les mouvements extrémistes et les droits civiques, plus de 1500 symboles confédérés demeurent encore dans l'espace public aux États-Unis, la plupart dans le sud. Ce chiffre inclut plus d'une centaine d'écoles publiques.

Pour leurs défenseurs, les enlever reviendrait à effacer un pan de l'histoire américaine. «Vous changez l'histoire. Vous changez la culture», a d'ailleurs remarqué Donald Trump mardi.

Mais, selon les historiens, la majorité ont été érigés pendant la ségrégation raciale ou en réaction au mouvement des droits civiques des années 1960.

«Dans la plupart des cas, préserver l'histoire n'était pas l'objectif véritable de ces installations», a expliqué Richard Cohen, président du SPLC, soulignant qu'elles «ont parfois été érigées par provocation par des suprémacistes blancs opposés à l'égalité pour les Noirs».

AP

Cette statue confédérée érigée en 1904 a été déboulonnée à Gainesville, lundi.