Le Montréalais Amor Ftouhi planifiait de commettre un véritable carnage à l'aéroport de Flint, en juin dernier. La mission-suicide de ce «soldat d'Allah» consistait à poignarder un policier et à lui voler son arme à feu pour tuer d'autres policiers. Après son arrestation, l'admirateur d'Oussama ben Laden a même menacé de tuer les enquêteurs qui l'interrogeaient, révèle un document judiciaire obtenu par La Presse.

Ce document, déposé par le gouvernement le 1er août devant la cour du district du Michigan, lève le voile sur les circonstances de cet «acte brutal de terrorisme» et sur les motivations d'Amor Ftouhi. Le résidant du quartier Saint-Michel est accusé d'avoir commis un acte de violence dans un aéroport international et d'avoir interféré avec la sécurité d'un aéroport en poignardant le policier Jeff Neville, le 21 juin dernier. Il risque la prison à vie.

«Dans un interrogatoire après son arrestation, [M. Ftouhi] a dit être entré aux États-Unis dans le seul but de tuer des employés armés du gouvernement américain», indique le document. Amor Ftouhi se serait ainsi rendu à l'aéroport de Flint, près de Detroit, pour réaliser cette «mission». À 9h38, il se serait jeté sur le policier, le poignardant au cou avec un large couteau dentelé en criant «Allah Akbar» («Dieu est grand» en arabe).

«Après avoir été maîtrisé, [M. Ftouhi] s'est exclamé :  "Vous avez tué des gens en Syrie, en Irak et en Afghanistan, et nous allons tous mourir"», indiquent les enquêteurs dans le document judicaire obtenu par La Presse.

Le policier a miraculeusement survécu.

En interrogatoire, Amor Ftouhi a déclaré aux enquêteurs que sa «mission» n'était pas terminée et qu'il continuerait à tuer des policiers jusqu'à ce qu'il soit tué. «[M. Ftouhi] a aussi menacé de tuer les agents fédéraux qui l'interrogeaient s'il en avait l'occasion [...] [et] a aussi dit qu'il souhaitait que le policier [Jeff Neville] meure», précise-t-on. Le Montréalais a également affirmé que d'autres personnes viendraient s'en prendre aux États-Unis, sans toutefois donner de détails spécifiques. Il a qualifié le pays «d'ennemi d'Allah».

Amor Ftouhi a aussi affirmé être un fervent admirateur d'Oussama ben Laden, défunt leader de l'organisation terroriste Al-Qaïda. «Le défendeur a déclaré qu'il avait célébré les attaques du 11 septembre 2001 et avait encensé ben Laden pour avoir organisé des attaques aux États-Unis», indiquent les procureurs américains.

Protection des témoins

Le gouvernement a étayé ces nouveaux détails de l'enquête afin de contester une requête de la défense visant à obtenir le nom et les coordonnées de tous les témoins rencontrés par la police en vue du procès prévu le 16 janvier 2018. Selon les procureurs, la divulgation des informations personnelles des témoins met en péril la sécurité des policiers et des témoins civils impliqués. «[M. Ftouhi] est accusé de crimes violents et dangereux, fondés sur sa perpétration d'un acte brutal de terrorisme», affirment les procureurs.

«Les organisations terroristes appellent régulièrement leurs supporteurs à cibler les forces de l'ordre, et certains, comme le défendeur, ont répondu à l'appel.»

Ainsi, la divulgation de ces informations, en plus d'être sans assises juridiques, risque de traumatiser les témoins, préviennent les procureurs. «N'importe quel témoin dans un cas de terrorisme va forcément réagir avec peur et colère en apprenant que non seulement son nom, mais aussi l'endroit où il habite ont été remis au défendeur accusé de crimes liés au terrorisme et à ses représentants. Savoir que leurs informations comme leur numéro de téléphone, leur adresse personnelle, leur adresse de courriel, leur lieu de travail ont été remis à la défense risque de refroidir la future coopération des témoins et nuire à leur volonté à témoigner», s'inquiètent-ils.

«Tactiques de peur»

Dans sa réponse déposée en cour hier, la défense balaie du revers de la main les «tactiques de peur» du gouvernement et ses «vagues inquiétudes» concernant la sécurité des témoins, et assure que son client n'aurait «aucun moyen de localiser ou de contacter les témoins potentiels». «Ces personnes pourraient détenir des preuves ou des informations pertinentes voulant que M. Ftouhi n'ait aucun lien avec aucune organisation terroriste internationale», plaide la défense.

Nouveau détail notable, il appert qu'aucun Québécois n'a été interrogé par les enquêteurs américains jusqu'à maintenant. «Le nombre de témoins de l'évènement est limité. Tous les individus interrogés par les policiers se trouvent aux États-Unis et la plupart habitent au Michigan. [...] Les rapports montrent qu'aucun individu nommé dans les rapports n'habite à l'étranger», indique le document gouvernemental. Notons qu'au Québec, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a interrogé la famille de l'accusé.

- Avec David Santerre, La Presse