Les efforts répétés des républicains du Congrès pour tenter de liquider l'Obamacare et de concrétiser une des plus importantes promesses électorales de Donald Trump offrent un excellent exemple de la loi des conséquences inattendues.

Plus les républicains parlent d'abroger et de remplacer l'Affordable Care Act, plus la loi sur la santé de Barack Obama, pièce maîtresse de sa présidence, croît en popularité auprès du public américain. Et plus ces mêmes républicains veulent réduire le rôle du gouvernement fédéral dans le système de santé américain, plus la demande s'accroît au sein de la population pour que ce même gouvernement en fasse plus dans le domaine de l'assurance maladie.

Cette semaine, les républicains du Sénat tenteront ce qui pourrait être leur ultime effort pour en finir avec l'Obamacare. La semaine dernière, ils ont renoncé pour la deuxième fois en moins d'un mois à tenir un vote sur un projet de loi destiné à accomplir cet objectif. Aux dernières nouvelles, ce texte suscite toujours la division au sein même du groupe républicain de la Chambre haute, des sénateurs conservateurs et modérés s'y opposant pour des raisons différentes.

Pendant ce temps, l'Obamacare, loi mal aimée pendant toute la présidence de son promulgateur, est en passe de devenir populaire auprès d'une majorité d'Américains (51 % d'entre eux avaient une opinion favorable de la réforme, selon un sondage de la Kaiser Family Foundation publié à la fin du mois de juin).

Par une marge de deux contre un, les Américains préfèrent par ailleurs l'Obamacare au plus récent projet de loi pour l'abroger et le remplacer, selon un sondage Washington Post/ABC News publié à la mi-juillet.

PROJETS DE LOI INVENDABLES

Les républicains du Congrès peuvent difficilement gagner au jeu des comparaisons. Ils devront cette semaine décider de tenir un vote sur un des deux projets de loi carrément invendables. Le premier aurait notamment pour conséquence d'augmenter le nombre d'Américains non assurés de 22 millions d'ici 2026, selon le Bureau du budget du Congrès. L'autre, qui éliminerait l'Obamacare sans offrir de remplacement, ferait passer ce nombre à 32 millions d'ici 2026.

Les deux textes proposent par ailleurs des coupes sombres dans le programme d'assurance maladie Medicaid pour les personnes à faible revenu ou handicapées. Ce programme est financé conjointement par le gouvernement fédéral et les États.

Environ la moitié des quelque 20 millions d'Américains qui ont obtenu une couverture santé grâce à l'Obamacare sont bénéficiaires du programme Medicaid. L'autre moitié souscrivent à des assurances privées dont les coûts et les franchises varient d'un État à l'autre, voire d'un comté à l'autre. Les Américains à revenu modeste reçoivent une aide financière du gouvernement fédéral pour amortir le coût des primes et des franchises. Les autres se retrouvent souvent parmi les perdants de l'Obamacare, qui gagnerait à être modifié et bonifié.

À contre-courant de l'opinion

Or, la plupart des républicains du Congrès ne croient pas que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle pour corriger les lacunes de l'Obamacare et encore moins garantir une couverture santé aux Américains. Sur ce plan, ils sont de plus en plus à contre-courant de l'opinion. La semaine dernière, l'Associated Press a publié un sondage indiquant que 62 % des Américains estiment que le gouvernement fédéral a la responsabilité de garantir à tous les citoyens une couverture santé. En mars dernier, 52 % d'entre eux en venaient à la même conclusion.

Pas étonnant que l'idée des républicains du Congrès de retirer leur couverture à des dizaines de millions d'Américains n'ait pas la cote. En ce sens, l'Obamacare, malgré ses origines conservatrices, aura probablement contribué à faire évoluer une partie importante du public américain vers la gauche en matière de santé.

Et cette évolution n'en est peut-être qu'à ses débuts. Du moins, c'est ce que la sénatrice démocrate du Massachusetts Elizabeth Warren faisait valoir le mois dernier lors d'une entrevue au Wall Street Journal.

« [Le président Obama] a tenté de nous faire avancer en matière d'assurance maladie en utilisant un modèle conservateur qui venait de groupes de réflexion conservateurs. [...] Maintenant, il est temps de passer à la prochaine étape. Et la prochaine étape est un système à payeur unique », a-t-elle déclaré.

Encore faudrait-il en venir à bout avec l'Obamacare, cette loi qui ne semble pas vouloir mourir.