Le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping auront un délicat entretien cette semaine lors du G20, à l'heure où leurs avis diamétralement opposés sur la Corée du Nord fissurent leur amitié de façade.

Le lancement historique mardi par la Corée du Nord d'un missile intercontinental a renforcé les frictions entre les deux pays, à la veille du sommet qui débute vendredi en Allemagne.

Dans un nouveau tweet mercredi M. Trump a accusé Pékin de saper les efforts des États-Unis en renforçant ses échanges commerciaux avec Pyongyang.

«Le commerce entre la Chine et la Corée du Nord a augmenté d'au moins 40% au premier trimestre. Et après on dit que la Chine travaille avec nous - Mais on se devait d'essayer!», a écrit le président américain.

En avril, après la première rencontre entre les deux hommes dans la résidence de Donald Trump, ce dernier avait vu en Xi Jinping «un homme bien».

Mais ces dernières semaines, changement de ton: le président américain a fustigé le régime communiste pour son échec supposé à contenir les ambitions nucléaires de Pyongyang.

«Peut-être que la Chine va faire un geste fort au sujet de la Corée du Nord et mettre fin à cette absurdité une bonne fois pour toutes!» a-t-il encore tweeté cette semaine.

Pékin «a accompli des efforts acharnés pour résoudre le dossier», a aussitôt répliqué le ministère chinois des Affaires étrangères. Tandis que M. Xi déplorait lundi, lors d'un appel téléphonique avec M. Trump, les «facteurs négatifs» assombrissant les relations bilatérales.

De fait, les États-Unis ont coup sur coup sanctionné la semaine dernière une banque chinoise accusée de blanchir de l'argent nord-coréen, et autorisé une vente d'armes à Taïwan, une île de facto indépendante mais considérée par la Chine comme une de ses provinces.

«Un équilibre délicat»

La Chine est le principal soutien économique et diplomatique de la Corée du Nord. Elle calibre soigneusement ses actions pour ne pas entraîner une chute de Pyongyang, laquelle provoquerait un afflux de réfugiés, ni être trop laxiste, ce qui pourrait donner à Washington un prétexte pour frapper le régime nord-coréen.

«Ils s'efforcent de trouver le point d'équilibre afin de contenter les Américains et d'éviter que Trump (...) n'envisage une intervention militaire», juge Andrew Gilholm, analyste du cabinet britannique Control Risks.

Si la Chine dispose avec son poids économique d'un moyen de pression sur la Corée du Nord, cela ne signifie pas pour autant qu'elle puisse la convaincre d'abandonner son programme nucléaire, note-t-il.

Mais le missile intercontinental de Pyongyang change la donne. Washington peut désormais se sentir directement menacé, et le temps presse pour Pékin s'il veut contenir son turbulent voisin.

«C'est un équilibre délicat», juge Willy Lam, spécialiste de la Chine à l'Université chinoise de Hong Kong. «Si la Chine n'agit pas suffisamment vite, il est possible que les États-Unis envisagent une action, une frappe chirurgicale ou autre.»

Pékin a annoncé en février la suspension de ses importations de charbon nord-coréen jusqu'à la fin 2017.

Par ailleurs, le montant de l'ensemble des importations chinoises depuis la Corée du Nord est tombé à 721,5 millions de dollars entre janvier et mai. Il était de 773,6 millions lors de la même période en 2016, selon les Douanes chinoises.

Une impasse?

Washington est partisan de sanctions pour faire plier Pyongyang. Pékin plaide pour une reprise des pourparlers à Cinq (deux Corées, Russie, États-Unis, Chine), au point mort depuis 2009.

Xi Jinping, en visite à Moscou mardi, a obtenu du président russe Vladimir Poutine son adhésion à la proposition chinoise d'un «double moratoire»: arrêt par la Corée du Nord des tests nucléaires et balistiques, contre arrêt par les États-Unis et la Corée du Sud de leurs exercices militaires conjoints à grande échelle -- que Pyongyang considère comme une menace directe.

Selon des analystes, la Chine pourrait sanctionner bien plus durement Pyongyang: en frappant des banques, entreprises et aéroports chinois liés au régime nord-coréen, ou encore en réduisant ses livraisons de nourriture et de pétrole à son voisin.

«Ce qui fait la différence, ce ne sont pas les mesures de l'ONU, c'est jusqu'où la Chine les met en oeuvre», estime M. Gilholm, de Control Risks, en référence aux sanctions des Nations unies contre la Corée du Nord.

Selon Willy Lam, le président chinois pourrait être tenté de prendre des sanctions, mais discrètes, afin «de ne pas être perçu comme manquant de fermeté face aux Américains» après les affronts infligés la semaine dernière par Washington.

Mais pour Michael Cole, sinologue à l'université de Nottingham, une avancée durant la rencontre Xi-Trump du G20 paraît improbable. «Nous sommes dans une impasse», estime-t-il.