CNN tente de préserver sa crédibilité après le retrait d'un article insuffisamment étayé, la démission de trois journalistes et des accusations de subjectivité consécutives à une vidéo compromettante, tandis que Donald Trump, pour qui la chaîne d'information est un «faux média», se délecte.

Tout est parti d'un article publié jeudi sur le site de CNN, qui affirmait que la Commission sur le renseignement du Sénat américain enquêtait sur les liens entre des membres de l'équipe Trump et un fonds d'investissement russe.

L'auteur, Thomas Frank, affirmait aussi, sur la base d'une source anonyme, qu'une autre enquête visait l'un des membres de l'équipe de transition de Donald Trump, l'homme d'affaires Anthony Scaramucci, et ses relations supposées avec les dirigeants du fonds.

Dès vendredi, CNN a décidé de retirer l'article de son site, expliquant qu'il «ne respectait pas les standards journalistiques» du groupe d'information. L'histoire n'avait été relayée sur aucune des antennes de la chaîne, mais le mal était fait.

Lundi, Thomas Frank, mais aussi deux autres journalistes qui faisaient partie, comme lui, de la cellule d'enquête de CNN, ont démissionné, et la chaîne a présenté ses excuses à Anthony Scaramucci.

«CNN a fait ce qu'il fallait», a tweeté l'homme d'affaires. «Geste de classe. Excuses acceptées. Tout le monde fait des erreurs. On avance.»

Dans un tout autre registre, Donald Trump a lui fustigé CNN, l'une de ses cibles favorites, qu'il qualifie de «faux média», «pris à publier leurs articles russes bidons», a-t-il tweeté mardi.

«CNN vient de réaliser ses meilleures audiences pour un deuxième trimestre», a riposté le groupe dans un tweet. «Ce sont les faits.» 

«Chercher la vérité» 

Il n'en demeure pas moins que la chaîne ressort meurtrie de l'affaire, elle qui avait créé, en janvier, une équipe d'enquête composée de ses meilleurs journalistes d'investigation et renforcée de plusieurs recrues.

Il s'agissait notamment de rivaliser avec le New York Times, le Washington Post et, dans une moindre mesure, Politico et le Wall Street Journal, qui ont tous étoffé leurs équipes d'investigation pour couvrir la nouvelle administration Trump.

«Chercher la vérité. Sortir de l'information. Obliger les puissants à rendre des comptes», telle était la ligne directrice de cette nouvelle cellule, selon une offre d'emploi postée sur le site de la maison mère de CNN, Turner.

Les trois journalistes démissionnaires sont tous des reporters chevronnés. L'un d'entre eux, Eric Lichtblau, a reçu le prix Pulitzer en 2006 et n'avait quitté le New York Times pour CNN qu'il y a quelques semaines.

Durant le point presse quotidien de la Maison-Blanche mardi, la porte-parole Sarah Huckabee Sanders a accusé CNN d'avoir donné des informations erronées «à de nombreuses reprises», dans la lignée des propos de Donald Trump.

Elle a également renvoyé vers une vidéo publiée par le site ultra-conservateur Project Veritas, qui filme, en caméra cachée, un producteur de la chaîne, John Bonifield, qui ne s'occupe pas de politique mais de santé.

«Le président a probablement raison de dire: "Vous me faites une chasse aux sorcières"», y explique le journaliste au sujet de la Russie. «"Vous n'avez rien de solide, vous n'avez pas de véritable preuve".»

Se définissant comme «cynique», il affirme que CNN concentre sa couverture sur les liens supposés entre l'équipe Trump et la Russie «à cause des audiences». «Nos audiences sont incroyables en ce moment.»

Au deuxième trimestre, la chaîne a enregistré une hausse de près de 10% de son audience en première partie de soirée.

Pour autant, elle a perdu du terrain sur ses rivales, l'ultra-conservatrice Fox News, leader historique, mais aussi la petite MSNBC, portée, ironie du sort, par son ton plus agressif à l'égard de l'administration Trump.

Pour Sarah Huckabee Sanders, si ce qui est dit dans cette vidéo est authentique, «c'est une honte pour l'ensemble des médias.»

«CNN soutient (...) John Bonifield», a réagi la chaîne dans une déclaration transmise à l'AFP. «La diversité des opinions personnelles est ce qui rend CNN fort, elle est la bienvenue chez nous et nous la chérissons.»

Eric Lichtblau