Le secrétaire d'État Rex Tillerson est en Alaska, l'État le plus septentrional des États-Unis, pour un Conseil de l'Arctique où il n'échappera pas jeudi aux dossiers brûlants qui secouent Washington: les relations avec la Russie et le changement climatique.

Au titre de la présidence américaine de ce Conseil de l'Arctique pour la période 2015-2017, Rex Tillerson est arrivé mercredi soir à Fairbanks, ville de l'extrême nord-ouest du continent, pour ce forum intergouvernemental de coopération en matière d'environnement, d'exploitations pétrolière et minière, de trafic maritime, de pêche et de tourisme.

Le Conseil rassemble les huit pays riverains de l'océan Arctique: Canada, Russie, Norvège, Danemark, États-Unis, Islande, Suède et Finlande. Clin d'oeil de l'Histoire, la réunion se tient en Alaska, un territoire que Washington avait acheté à Moscou il y a exactement 150 ans et qui n'a été intégré aux États-Unis qu'en 1959.

Rex Tillerson y retrouve son homologue russe Sergueï Lavrov, lequel a été reçu mercredi par le président Donald Trump à la Maison-Blanche, en pleine tempête politique provoquée par le limogeage du directeur du FBI James Comey. Ses services enquêtent sur une possible collusion entre l'équipe Trump et Moscou durant la campagne présidentielle.

«Nous avons beaucoup à faire demain», a lancé sibyllin, lors d'un dîner mercredi soir, le discret Rex Tillerson, en présence d'un Sergueï Lavrov réputé pour son franc-parler et qui avait ironisé le matin à Washington sur le limogeage du chef du FBI.

Le ministre russe a frappé un grand coup diplomatique en ayant eu les honneurs du Bureau ovale, Donald Trump vantant une «très, très bonne rencontre».

Le président a toutefois exhorté Moscou à «contenir» ses alliés syrien et iranien dans la guerre en Syrie et à travailler avec Washington pour mettre fin au conflit. Quant à l'Ukraine, la diplomatie américaine a prévenu que «les sanctions contre la Russie resteraient en vigueur jusqu'à ce que Moscou revienne sur les actions qui les ont déclenchées».

Méfiance profonde

Partisan d'une politique des petits pas, Rex Tillerson, ex-PDG du pétrolier ExxonMobil et décoré à ce titre en 2013 par le président russe Vladimir Poutine, entend coopérer avec Moscou sur «de petits sujets» d'intérêts communs. Pour voir si la méfiance profonde entre les deux puissances nucléaires pourrait être en partie dissipée.

Les deux ministres des Affaires étrangères doivent se retrouver jeudi autour de la table du Conseil pour un sujet a priori plus consensuel: faciliter l'accès de climatologues aux eaux internationales de l'océan Arctique.

Mais en Alaska, Rex Tillerson n'échappera pas non plus au dossier du changement climatique: les pressions devraient venir davantage de pays amis de l'Amérique comme le Canada ou la Finlande.

La présidence américaine du Conseil de l'Arctique avait débuté il y a deux ans sous le mandat du secrétaire d'État démocrate John Kerry, un défenseur passionné de la lutte contre le réchauffement climatique et cheville ouvrière de l'accord de Paris conclu fin 2015 par 196 pays.

Durant sa campagne, Donald Trump avait promis d'«annuler» cet accord historique multilatéral, mais il a depuis du mal à trancher et a reporté sa décision à la fin du mois de mai.

Il a toutefois signé fin avril un décret ordonnant un réexamen des restrictions imposées par son prédécesseur Barack Obama à l'exploration et à l'exploitation offshore de pétrole et de gaz, notamment en Arctique.

Mais des réunions précédentes du Conseil et nombre d'études scientifiques ont mis en évidence les dégâts que le réchauffement a déjà infligés aux écosystèmes de l'Arctique.

La Finlande a déjà affirmé que le climat resterait au coeur des délibérations du Conseil dont elle doit prendre la présidence jusqu'en 2019.

«Le changement climatique a toujours été un sujet d'intérêt pour le Conseil de l'Arctique sous de nombreuses présidences (...) et les États-Unis resteront impliqués dans le travail que réalise le Conseil sur cette question», avait assuré cette semaine un responsable du département d'État, David Balton.