Le président américain Donald Trump est pris dans une tempête politique depuis qu'il a limogé le directeur du FBI James Comey, une décision selon lui sans lien avec l'enquête de la police fédérale sur une éventuelle collusion avec la Russie.

Jeudi, le directeur par intérim du FBI Andrew McCabe devait témoigner publiquement devant la puissante commission du Renseignement du Sénat, une des trois commissions enquêtant sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle américaine, parallèlement à une enquête du FBI.

Des élus des deux partis s'interrogent depuis mardi sur les motifs et le calendrier du limogeage. L'opposition soupçonne M. Trump de vouloir entraver une enquête qui entache son nom et cible certains de ses proches.

La Maison-Blanche a rejeté mercredi les appels de l'opposition démocrate à nommer un procureur spécial pour enquêter, comme lors des scandales du Watergate ou des frasques de Bill Clinton.

Les investigations du FBI, ouvertes l'an dernier, s'intéressent aux piratages russes contre le camp démocrate et à une éventuelle «coordination» entre Moscou et des membres de l'équipe de campagne Trump.

M. Trump dément toute collusion et a souligné, dans sa lettre à M. Comey, dont le mandat courait jusqu'en 2023, que le directeur lui avait dit qu'il n'était pas lui-même ciblé.

La porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Huckabee Sanders a déclaré que le limogeage n'avait rien à voir avec la Russie et était dû aux «atrocités» et aux «faux pas et erreurs» du directeur dans l'enquête sur les courriels de la candidate démocrate à la présidentielle Hillary Clinton l'an dernier.

«Il envisageait de congédier le directeur Comey depuis le jour où il est entré en fonctions», a-t-elle déclaré. «Le président ne lui faisait plus confiance depuis des mois».

Il est reproché à M. Comey d'avoir commenté publiquement l'affaire Clinton durant la campagne, contrairement à l'usage au FBI.

Procureur spécial «pas nécessaire»

Mme Sanders a écarté les appels à nommer un procureur spécial sur les allégations de collusion avec la Russie: «nous ne pensons pas que cela soit nécessaire». Elle a assuré que la présidence tenait à la poursuite de l'enquête du FBI et des investigations parlementaires: «personne ne veut plus que nous que ce soit mené à terme».

Donald Trump a justifié ainsi sa décision mercredi: «il ne faisait pas du bon travail, c'est très simple». Le président venait de recevoir le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et a qualifié de «très très bonne rencontre» son premier entretien avec un haut responsable russe.

Selon M. Lavrov, les accusations d'ingérence russe dans la politique intérieure américaine relèvent «de la fiction». Le Kremlin a estimé que le limogeage de M. Comey était «une affaire interne» américaine et dit «espérer que cela n'aura pas d'impact» sur les relations entre les deux pays.

M. Comey, lui, a écrit dans une lettre d'adieu à ses collègues, révélée par CNN: «je pense depuis longtemps qu'un président peut limoger un directeur du FBI pour n'importe quelle raison, ou pour aucune raison du tout. Je ne m'étendrai pas sur la décision ou la manière dont elle a été appliquée. J'espère que vous non plus. C'est fait, et tout ira bien pour moi».

Entre MM. Trump et Comey, les divergences s'intensifiaient depuis des mois alors que l'enquête du FBI s'accélérait, selon plusieurs médias.

En mars, M. Comey avait confirmé au Congrès l'existence de l'enquête du FBI sur les allégations de collusion avec la Russie et avait contredit M. Trump sur la mise sur écoutes de la Trump Tower par l'ex-président Barack Obama (2009-2017).

Comey convoqué au Sénat

Et il aurait réclamé la semaine dernière des moyens supplémentaires pour l'enquête au ministère de la Justice, selon des médias.

«Cela rendrait le calendrier du limogeage encore plus suspect», a déclaré Chuck Schumer, chef des démocrates au Sénat.

L'ambassadrice américaine au Qatar, Dana Shell Smith, nommée par l'ex-président Barack Obama, a estimé jeudi sur Twitter «de plus en plus difficile de se réveiller à l'étranger avec les nouvelles en provenance des États-Unis», avant d'atténuer son propos.

Le président doit désormais nommer un remplaçant qui devra être confirmé par le Sénat où la minorité démocrate devrait batailler dur.

Si de nombreux républicains soutiennent le président, plusieurs ténors ont exprimé leur embarras ou mécontentement, notamment John McCain ou le chef de la commission du Renseignement du Sénat, Richard Burr.

M. Comey doit s'expliquer mardi prochain à huis clos devant la commission du Renseignement.

Cette dernière a émis mercredi une assignation pour obtenir de l'ex-conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, le général Michael Flynn, tous les documents qui pourraient l'éclairer. M. Flynn n'avait pas obtempéré à une demande précédente. Il avait été poussé à la démission le 13 février après la révélation de contacts répétés avec l'ambassadeur russe à Washington.