Au moment même où le monde découvrait avec horreur les atrocités de l'attaque à l'arme chimique en Syrie, Donald Trump se posait à nouveau en champion de « l'Amérique d'abord » devant un groupe d'ouvriers de la construction.

« Je ne suis pas, et je ne veux pas être le président du monde. Je suis le président des États-Unis, et ça sera désormais l'Amérique d'abord », a-t-il déclaré mardi matin sous une salve d'applaudissements.

Le lendemain, après avoir vu les images des victimes innocentes de Khan Cheikhoun, Donald Trump a semblé comprendre que son rôle ne se limitait pas à aider les Américains à se trouver de l'emploi et à les protéger contre les menaces extérieures. En tant que président des États-Unis, il se devait aussi de réagir à ce qu'il a lui-même décrit comme des « actes odieux » et un « affront à l'humanité » qui « ne peuvent être tolérés ». Mais réagir comment ?

Donald Trump a fourni sa réponse jeudi soir en donnant le feu vert aux premières frappes américaines contre le régime de Bachar al-Assad en six ans de guerre civile en Syrie. Il s'agit d'un revirement majeur de la part d'un président qui voulait réduire le rôle militaire des États-Unis au Moyen-Orient en le limitant au combat contre les terroristes du groupe armé État islamique.

Or, voilà que ce même président, impopulaire dans son pays, s'est donné pour mission de punir un dirigeant étranger pour son traitement inhumain de sa propre population.

L'intention est peut-être noble, mais elle s'éloigne de la philosophie nationaliste ou isolationniste qui est à l'origine du slogan « L'Amérique d'abord », philosophie en laquelle croient plusieurs électeurs de Donald Trump.

Le lancement de missiles Tomahawk qui ont frappé une base syrienne marque un autre revirement majeur de la part du président Trump et de son administration. Il y a quelques jours à peine, le secrétaire d'État Rex Tillerson affirmait en Turquie que le départ d'Assad n'était plus la priorité de Washington.

« Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien », avait déclaré Tillerson.

Accusé d'un dangereux laxisme envers Bachar al-Assad, le chef de la diplomatie américaine a fait volte-face jeudi.

« Le rôle d'Assad à l'avenir est incertain et avec les actes qu'il a perpétrés, il semblerait qu'il n'ait aucun rôle pour gouverner le peuple syrien », a-t-il dit lors d'un point de presse en Floride.

« Ces démarches sont en cours », a-t-il ajouté en parlant des efforts diplomatiques de la communauté internationale pour déloger Assad.

ENGRENAGE MILITAIRE ?

Donald Trump a également abandonné l'idée que Bachar al-Assad puisse être un partenaire utile, voire acceptable, dans le combat contre l'EI. Mercredi, il a d'abord avoué que son opinion sur le président syrien avait « beaucoup changé » à la suite de l'attaque au gaz sarin qui a tué plus de 80 personnes à Khan Cheikhoun.

Et il a donné jeudi cette réponse à un journaliste qui lui demandait s'il était désormais favorable à un changement de régime à Damas : « Je pense que ce qu'Assad a fait est terrible. Je pense que ce qui est arrivé en Syrie est une honte pour l'humanité. Il est là, et je suppose qu'il gère les choses, alors quelque chose devrait arriver. »

Quelque chose est arrivé jeudi. Comment cela se terminera-t-il ?

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Il se peut que les frappes américaines se limitent à la base aérienne de Shayrat, qui est associée au programme d'armes chimiques syrien. La portée des représailles américaines serait alors somme toute symbolique.

Mais Donald Trump a peut-être engagé les États-Unis dans un engrenage militaire dont la fin est incertaine, dans un pays où l'Iran et la Russie sont également présents. Un engrenage dont il avait peur en 2013 lorsqu'il exhortait Barack Obama à ne pas répliquer militairement au massacre au gaz sarin d'un quartier rebelle de Damas.

« La Syrie n'est PAS notre problème », écrivait le citoyen Trump dans un gazouillis. « Obama doit se concentrer sur NOTRE PAYS », ajoutait-il dans un autre tweet où il exhortait le 44e président à « rendre sa grandeur à l'Amérique ».

Dans ses premières réactions à la plus récente attaque au gaz sarin en Syrie, le président Trump a fait référence à la « ligne rouge » que son prédécesseur avait promis de faire respecter si le régime d'Assad avait recours à l'arme chimique contre sa population. Selon lui, Barack Obama a raté « une grande occasion » de régler le conflit syrien en renonçant à des représailles militaires.

De toute évidence, Donald Trump ne se souvenait pas de ses gazouillis de 2013 en critiquant ainsi Barack Obama. Mais il a fixé ses propres lignes mercredi.

« Quand vous tuez des enfants innocents, des bébés innocents, des bébés, des petits bébés, avec un gaz chimique si mortel, [...] cela franchit beaucoup, beaucoup de lignes au-delà d'une ligne rouge », a-t-il dit.

Peu importe son slogan « L'Amérique d'abord », Donald Trump a conclu qu'il ne pouvait pas se permettre de ne pas faire respecter ses « lignes ».