Le président américain Donald Trump s'est attaqué frontalement mardi au bilan de Barack Obama sur le climat, promettant un renouveau de l'industrie du charbon dans un discours au cours duquel il n'a pas mentionné une seule fois la question du changement climatique.

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Depuis le siège de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), à quelques centaines de mètres de la Maison-Blanche, le président américain a signé le «décret sur l'indépendance énergétique» qui ordonne un réexamen de la mesure phare de son prédécesseur démocrate: le Clean Power Plan, qui impose aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2.

«Mon administration met fin à la guerre contre le charbon», a lancé, entouré de mineurs, le président républicain qui a, à plusieurs reprises par le passé, mis en doute la réalité du réchauffement de la planète et le rôle des activités humaines dans ce dernier.

Ce décret, coup de pouce assumé aux énergies fossiles, suscite de vives interrogations sur l'attitude des États-Unis vis-à-vis de l'accord de Paris sur le climat signé fin 2015 par plus de 190 pays, que le magnat de l'immobilier n'a à aucun moment évoqué.

L'annonce a provoqué une cascade de réactions à travers le monde. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a souligné, d'un tweet, que la France continuerait à se battre contre le changement climatique «avec tous les gens de bonne volonté, y compris aux États-Unis».

Annonçant «une nouvelle ère» dans le secteur énergétique aux États-Unis, Donald Trump a insisté sur l'impérieuse nécessité de supprimer nombre de réglementations environnementales «inutiles et destructrices d'emplois».

«Nous adorons les mineurs du charbon, des gens fantastiques», a-t-il martelé, promettant de leur «redonner du travail».

Le Clean Power Plan (projet pour une énergie propre), qui a pour but d'accélérer la transition énergétique, impose aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2 de 32% d'ici 2030 par rapport à 2005.

S'il entrait en vigueur, il se traduirait par la fermeture de nombreuses centrales à charbon, les plus anciennes et les plus polluantes. Il est cependant, pour l'heure, bloqué par la justice, qui avait été saisie par une trentaine d'États, majoritairement républicains.

«Charbon propre» 

En déclin marqué, le charbon reste cependant une composante importante du paysage énergétique américain. Les centaines de centrales à charbon réparties sur le territoire fournissent environ un tiers de l'électricité du pays, presque à égalité avec le gaz naturel (en forte progression) et devant le nucléaire et l'hydroélectricité.

Donald Trump évoque régulièrement devant ses partisans sa volonté de relancer l'exploitation du «magnifique charbon propre», mais la plupart des experts sont sceptiques.

«Démanteler l'EPA et se débarrasser de la règlementation ne fera pas renaître l'industrie du charbon», juge le professeur James Van Nostrand de l'université de West Virginia, rappelant que le déclin de cette énergie fossile est d'abord lié à la concurrence accrue du gaz naturel et des énergies renouvelables.

Le nombre d'emplois dans ce secteur est passé de 88 000 en 2008 à 66 000 en 2015, selon le ministère de l'Énergie.

Le décret signé mardi supprime par ailleurs une demi-douzaine de décisions de M. Obama liées au climat, telles que celle portant sur l'interdiction de nouvelle exploitation de charbon sur des terres fédérales. 

«Mauvais accord» 

Parmi les chefs démocrates au Congrès, Chuck Schumer a dénoncé un texte qui démontre selon lui que le lobby des énergies fossiles «est de retour aux affaires» avec l'administration Trump.

«On dirait qu'il a été écrit par le conseil d'administration d'Exxon, sans le moindre respect pour la santé et la sécurité des Américains ou pour la planète», a-t-il poursuivi.

La compagnie pétrolière ExxonMobil a pourtant joint sa voix aux défenseurs de l'accord de Paris et demandé à l'administration Trump de le respecter «comme un cadre efficace pour répondre aux risques du changement climatique», indique l'entreprise dans une lettre adressée à la Maison-Blanche et obtenue mardi par l'AFP.

Pour Bob Ward, du Grantham Research Institute à la London School of Economics, renoncer au Clean Power Plan rendrait «pratiquement impossible pour les États-Unis d'atteindre leurs objectifs de l'accord de Paris» (baisse de 26% à 28% des émissions d'ici 2025 par rapport à 2005).

Si cette analyse ne fait pas l'unanimité, le signal envoyé par l'administration Trump au reste de la communauté internationale est clair: Washington ne déterminera pas sa politique énergétique en fonction des enjeux climatiques.

Le nouveau patron de l'EPA, Scott Pruitt, qui a récemment affirmé, à rebours du consensus scientifique international, que les émissions de CO2 n'étaient pas une des causes majeures du réchauffement en cours, a estimé dimanche que Paris avait «été tout simplement un mauvais accord».

Un éventuel retrait des États-Unis, qui représenterait une véritable déflagration, fait l'objet d'âpres débats au sein de l'administration. «C'est en cours de discussion», a indiqué lundi soir un responsable de l'exécutif sous couvert d'anonymat.

Un retrait des États-Unis de l'accord de Paris «ternirait clairement l'image de l'Amérique», a estimé Todd Stern, l'émissaire américain sur le climat de 2009 à 2016, sous l'administration Obama.

«Ce serait vu de manière extrêmement négative dans le monde entier et il y aurait des dommages collatéraux au-delà du climat», a-t-il ajouté dans un entretien à l'AFP.