Une sordide affaire de viol de mineure près de Washington a bénéficié cette semaine d'un coup de projecteur inhabituel et controversé, les auteurs présumés étant des adolescents hispaniques entrés illégalement aux États-Unis.

En temps normal, un tel fait divers n'intéresserait pas la presse nationale. Mais il est tombé à point pour apporter de l'eau au moulin de Donald Trump, qui ne cesse de dénoncer une frontière passoire, une administration ne donnant pas la priorité aux Américains et des immigrés faisant exploser la criminalité.

Jose Montano, 17 ans et Henry Sanchez-Milian, 18 ans, sont accusés d'avoir brutalement agressé sexuellement une collégienne de 14 ans dans les toilettes de leur établissement scolaire, à l'heure des classes. Ils ont été inculpés de viol et écroués, en attendant d'être jugés.

Les faits se sont produits dans une école secondaire publique de Rockville, une banlieue résidentielle de Washington dans le très démocrate comté de Montgomery de l'État du Maryland. Ce comté avait voté à 76 % pour Hillary Clinton.

Quelques informations ont été diffusées sur Sanchez-Milian, qui est majeur. Originaire du Guatemala, il a traversé en août 2016 le fleuve Rio Grande séparant le Mexique du Texas, où il a été arrêté par les gardes-frontières.

Au bout de quelques jours, il a obtenu l'autorisation de rejoindre son père résidant dans le Maryland, en attendant de comparaître devant un juge spécialisé.

L'audience n'a pas encore été fixée, vu l'engorgement des tribunaux: plus d'un demi-million de dossiers d'immigration seraient en souffrance aux États-Unis, où vivent quelque 11 millions de clandestins.

Xénophobie, récupération

De façon inattendue, le viol à Rockville a relancé un débat national sur l'immigration, incluant une bonne part de commentaires xénophobes sur les réseaux sociaux.

Comment des résidents illégaux ne parlant pas anglais peuvent-ils se retrouver scolarisés dans un établissement public, au contact d'élèves nettement plus jeunes qu'eux ?, ont interrogé des élus républicains.

Fox News, la chaîne préférée des conservateurs, a consacré une large couverture à l'événement, décrivant le viol dans tous ses détails et établissant des liens avec les villes dites « sanctuaires », qui veulent protéger leurs habitants sans papiers.

L'affaire a réellement pris une dimension nationale mardi, quand le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, s'est étendu sur ce crime qu'il a qualifié de « choquant, inquiétant, horrible ».

« De telles tragédies expliquent notamment pourquoi le président considère si importante la lutte contre l'immigration illégale », a-t-il affirmé.

Rockville devrait « revoir sa politique », a-t-il ajouté, alors que, selon la loi du Maryland, tout jeune âgé de 5 à 21 ans a droit à l'enseignement public, quel que soit son statut légal.

Le gouvernement s'est vu reprocher une manoeuvre de récupération politique autour de Jose Montano, qui serait originaire du Salvador, et d'Henry Sanchez-Milian, qui selon son avocat compte plaider non coupable.

Donald Trump établit fréquemment un lien entre immigration et hausse de la criminalité aux États-Unis, même si aucune étude sérieuse ne le prouve.

Dès son discours annonçant le 16 juin 2015 son entrée en campagne, le futur président avait stigmatisé les « violeurs » envoyés par le Mexique. Des attaques qu'il a réitérées, qualifiant aussi de « bad hombres » (« individus nuisibles ») les immigrés latinos.

La polémique s'est envenimée quand le gouverneur républicain du Maryland a demandé aux autorités du comté de Montgomery de « coopérer pleinement » avec l'enquête, sous-entendant qu'elles traînaient les pieds.

« Totalement indécent »

Jack Smith, l'équivalent du recteur du comté, a estimé « totalement indécent de suggérer que l'on refuse d'offrir une éducation à un jeune de 14, 16 ou 18 ans en raison de l'événement tragique » de Rockville.

Il a défendu le fait que des élèves de 17 ou 18 ans soient scolarisés en troisième si leur niveau scolaire nécessitait un rattrapage.

La ministre américaine de l'Éducation Betsy DeVos a voulu calmer le jeu en se rendant jeudi dans une école élémentaire du Maryland. Extrêmement controversée à ce poste pour avoir largement prôné la privatisation de l'enseignement, elle a été accueillie par des manifestants.

Coïncidence du calendrier, le Bureau des statistiques judiciaires a publié jeudi son bilan portant sur la période 2013-2014.

« Ces statistiques mettent en évidence que les infractions liées à l'immigration le long de la frontière américano-mexicaine ponctionnent une énorme part des ressources des forces de l'ordre fédérales et que nous devons appliquer nos lois migratoires de façon à prévenir systématiquement les futures infractions », a commenté Sarah Isgur Flores, la nouvelle porte-parole du ministère de la Justice.