Les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé l'interdiction des ordinateurs portables et des tablettes dans les cabines d'avions sur les vols directs en provenance de pays arabes et de Turquie, invoquant un risque d'attentats «terroristes».

La France et le Canada ont indiqué qu'ils réfléchissaient à des mesures identiques. Berlin les a de son côté écartées pour l'instant, de même que l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Aucune compagnie américaine n'est concernée, mais des géants internationaux des pays du Golfe, Qatar Airways, Emirates et Etihad Airways, assurant des vols directs vers les États-Unis, devront à partir de samedi matin interdire à leurs passagers d'embarquer avec des appareils électroniques plus gros qu'un téléphone.

Ordinateurs portables, tablettes, consoles de jeux, liseuses, lecteurs de DVD, appareils photo, devront être placés dans les bagages en soute des avions, ont annoncé mardi des responsables américains.

«L'examen de renseignements indique que des groupes terroristes continuent de viser le transport aérien et cherchent de nouvelles méthodes pour perpétrer leurs attentats, comme dissimuler des explosifs dans des biens de consommation», a expliqué l'un d'eux.

Le secrétaire à la Sécurité intérieure John Kelly a donc «jugé nécessaire de renforcer les procédures de sécurité pour les passagers au départ direct de certains aéroports et à destination des États-Unis», a ajouté un autre responsable, sans dire de quelles informations précises Washington disposait.

D'après CNN, citant un cadre de l'administration Trump, cette décision serait liée à une menace émanant d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), la branche du groupe jihadiste au Yémen. La chaîne ABC cite, elle, une source proche du renseignement selon laquelle la menace viendrait de militants du groupe Etat islamique.

Un ancien responsable de l'agence de sécurité dans les transports (TSA), Tom Blank, pense aussi que c'est une «réponse à des données précises de renseignement portées à l'attention des autorités américaines».

Pays alliés

À compter de samedi, quelque 50 vols quotidiens de neuf compagnies aériennes (Royal Jordanian, EgyptAir, Turkish Airlines, Saudi Airlines, Kuwait Airways, Royal Air Maroc, Qatar Airways, Emirates et Etihad Airways) seront donc affectés au départ de dix aéroports: Amman, Le Caire, Istanbul, Jeddah, Riyad, Koweït, Doha, Dubaï, Abou Dhabi et Casablanca.

Huit pays sont concernés, tous alliés ou partenaires des États-unis: la Jordanie, l'Égypte, la Turquie, l'Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Maroc.

Première à protester, Ankara a demandé à Washington «de revenir en arrière ou d'alléger» cette mesure qui affectera ses ressortissants voyageant en avion.

Peu après, Londres a emboîté le pas aux États-Unis.

L'interdiction britannique vise la Turquie, le Liban, la Jordanie, l'Égypte, la Tunisie et l'Arabie saoudite et s'applique à tous les vols directs en provenance de ces pays et à destination du Royaume-Uni. Quatorze compagnies sont concernées, parmi lesquelles British Airways et EasyJet.

«Je vais faire l'analyse nécessaire avec mes collègues et prendre une décision», a de son côté déclaré le ministre canadien des Transports, Marc Garneau. Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni collaborent étroitement en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme dans le cadre de l'alliance des «Five Eyes» regroupant également l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

A Washington, un responsable américain a invoqué «plusieurs incidents et attentats couronnés de succès contre des passagers et des aéroports ces dernières années», citant l'attaque revendiquée en février 2016 par les islamistes somaliens shebab affiliés à Al-Qaïda: un engin avait explosé à bord d'un Airbus A321 de Daallo Airlines, avec 74 passagers à bord, 15 minutes après le décollage, provoquant un trou d'un mètre de diamètre dans son fuselage et tuant le poseur présumé de la bombe.

Du côté de l'opposition politique à Donald Trump, Adam Schiff, chef de file des démocrates à la commission du Renseignement de la Chambre des Représentants, a apporté son «soutien complet» à cette interdiction car «nous savons que des organisations terroristes veulent abattre des aéronefs».

Les autorités américaines avaient informé au préalable les gouvernements et les compagnies aériennes et certaines avaient dévoilé dès lundi soir quelques informations à destination de leurs clients.

«Qui a besoin d'ordinateurs ?»

La grande compagnie du Golfe Emirates a précisé que les restrictions «entreraient en vigueur le 25 mars et resteront valables jusqu'au 14 octobre».

Emirates a aussi pris la chose avec humour en diffusant sur Twitter une publicité vantant son système audiovisuel de divertissement à bord, car «après tout, qui a besoin d'ordinateurs et de tablettes?».

Turkish Airlines a informé ses passagers «que tout appareil électronique ou électrique plus grand qu'un téléphone portable ou smartphone (à l'exception des appareils médicaux) ne devait pas être transporté à bord de vols à destination» des États-Unis.

Les responsables américains n'ont donné aucune échéance à l'interdiction et ils ont prévenu: si les mesures ne sont pas mises en oeuvre, les compagnies aériennes pourraient perdre leurs droits de voler vers les États-Unis.

Cette décision s'inscrit dans un contexte de resserrement des contrôles aux frontières des États-Unis et, plus généralement, d'une politique migratoire plus dure depuis l'entrée en fonctions du président Trump il y a deux mois.

Ce que l'on sait

(Maureen COFFLARD, LONDRES) - Washington et Londres ont décidé mardi d'interdire ordinateurs portables et tablettes en cabine, sur les vols en provenance de plusieurs pays arabes et de Turquie. Voici ce que l'on sait:

Ce qui est interdit

- Selon la décision américaine, tous les appareils électroniques plus gros qu'un téléphone portable seront interdits en cabine et devront être mis en soute. Cela concerne les ordinateurs portables, tablettes, consoles de jeux, liseuses, lecteurs de DVD, appareils photo...

- Pour les vols directs des compagnies concernées à destination du Royaume-Uni, Londres a décidé d'interdire en cabine «tout téléphone, ordinateur portable ou tablette plus grand qu'un téléphone portable de taille normale (longueur 16 cm, largeur 9,3 cm et épaisseur 1,5 cm)».

Les pays concernés

- Les États-Unis vont appliquer ces mesures à partir de samedi à huit pays, tous alliés ou partenaires de Washington: la Jordanie, l'Égypte, la Turquie, l'Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Maroc.

- Le Royaume-Uni applique ses restrictions à la Turquie et cinq pays arabes: le Liban, la Jordanie, l'Égypte, la Tunisie et l'Arabie saoudite. Ces mesures ont été immédiatement notifiées aux compagnies aériennes qui pourraient prendre quelques jours pour les mettre en application, a indiqué à l'agence Press Association un porte-parole des services de la première ministre Theresa May.

Les compagnies aériennes touchées

- Une cinquantaine de vols quotidiens de neuf compagnies aériennes (Royal Jordanian, EgyptAir, Turkish Airlines, Saudi Airlines, Kuwait Airways, Royal Air Maroc, Qatar Airways, Emirates et Etihad Airways) sont affectés par la décision américaine.

- La décision britannique concerne 14 compagnies: British Airways, EasyJet, Jet2.com, Monarch, Thomas Cook, Thomson, Turkish Airlines, Pegasus Airways, Atlas-Global Airlines, Middle East Airlines, Egyptair, Royal Jordanian, Tunis Air et Saudia.

Pourquoi ?

- Les États-Unis ont invoqué un risque d'attentats. «L'examen de renseignements indique que des groupes terroristes continuent de viser le transport aérien et cherchent de nouvelles méthodes pour perpétrer leurs attentats, comme dissimuler des explosifs dans des biens de consommation», a expliqué un responsable américain.

D'après la chaîne CNN, citant un cadre de l'administration de Donald Trump, cette décision serait liée à une menace émanant d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), la branche du groupe jihadiste au Yémen.

- À Londres, le ministre des Transports Chris Gayling a parlé, dans une déclaration écrite au parlement, de «menace terroriste en constante évolution». Le porte-parole du gouvernement s'est contenté d'invoquer «la sécurité des voyageurs», sans plus de détails.

Les pays pouvant suivre

- La France réfléchit: un porte-parole de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a déclaré à l'AFP que pour l'instant, «rien n'a été décidé ni arbitré pour ce qui est de la France. Il y a une analyse du risque qui est en cours par les services compétents en matière de sûreté aérienne, et également des discussions interministérielles en cours qui détermineront si mesures il y a ou pas».

- Le Canada, membre de la puissante alliance des services de renseignement «Five Eyes» avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, examine la possibilité d'imiter les États-Unis et le Royaume-Uni, selon le ministre des Transports, Marc Garneau.

Les pays qui ont dit non

- L'Allemagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont pour l'heure écarté l'idée d'appliquer des mesures identiques. Le ministère allemand de l'Intérieur a ainsi indiqué que «l'Allemagne ne prévoit pas actuellement de mesure équivalente».

Réaction des pays concernés

- Jusqu'ici seule la Turquie a réagi: le ministre des Transports Ahmet Arslan a demandé aux États-Unis «de revenir» sur cette mesure ou de l'«alléger"en invoquant notamment l'impact potentiel sur l'afflux de passagers pour la compagnie Turkish Airlines, fleuron de l'économie turque.

Mercredi, le chef de la diplomatie turque a mis en doute l'efficacité de la décision américaine. «Un terroriste de Daech (acronyme du groupe Etat islamique en arabe) peut embarquer de n'importe où», a déclaré le ministre, Mevlüt Cavusoglu, cité par l'agence pro-gouvernementale Anadolu.