Plombé par sa rhétorique anti-musulmane, Donald Trump faisait face jeudi à une laborieuse bataille politique et judiciaire après la suspension de son second décret migratoire, un nouveau camouflet retentissant.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

En l'espace de quelques heures, deux juges fédéraux ont bloqué l'application du texte controversé, qui bannit l'entrée des États-Unis aux ressortissants de six pays musulmans.

Ces deux tribunaux ont donné raison aux États démocrates et aux militants associatifs qui affirment que le décret vise de façon discriminatoire les musulmans.

Condamnant une justice «politisée», M. Trump a dénoncé «un abus de pouvoir sans précédent» et un coup d'arrêt à sa politique «faisant paraître faibles» les États-Unis.

Exactement comme après la suspension le 3 février de son premier décret anti-immigration, le président a promis de poursuivre la lutte devant les tribunaux, jusqu'à la victoire.

«Nous allons porter ce dossier aussi loin qu'il le faudra, au besoin jusqu'à la Cour suprême. Nous allons gagner. Nous allons protéger nos citoyens coûte que coûte», a lancé Donald Trump lors d'une réunion publique dans le Tennessee.

Le décret retoqué avait pourtant été présenté par M. Trump comme inattaquable sur le plan juridique, ayant été expurgé de ses éléments les plus contestés qui avaient suscité des réactions outrées dans sa première version.

Ces efforts de polissage n'ont pas suffisamment convaincu les deux magistrats concernés, le premier à Hawaï, le second dans l'État du Maryland.

Juges pas convaincus

«Un observateur censé et objectif (...) se doit de conclure que ce décret a été émis dans l'objectif de défavoriser une religion déterminée», a estimé dans sa décision le juge de Hawaï Derrick Watson.

Le nouveau décret est «la concrétisation, envisagée depuis longtemps, de l'interdiction d'entrée (aux États-Unis) aux musulmans», a de son côté tranché le juge du Maryland Theodore Chuang.

Ce dernier n'a toutefois suspendu qu'en partie le texte, en ciblant la mesure d'interruption de délivrance des visas pour les six pays musulmans concernés.

Les deux juristes, qui ont tenu des audiences mercredi quelques heures seulement avant la mise en application prévue du décret, ont indiqué avoir fondé leur opinion sur des déclarations passées de M. Trump et de ses conseillers.

Le président américain se voit ainsi rappeler que sa rhétorique contre les musulmans a un coût, même si elle remonte principalement à l'époque de la campagne quand le candidat républicain avait suggéré de fermer les frontières américaines à tous les musulmans.

Le juge Chuang avait été saisi par une coalition d'organisations de défense des libertés et des réfugiés, dont la puissante American Civil Liberties Union (ACLU).

«Animosité religieuse»

Pour motiver sa décision, le juge Watson a lui assuré que la suspension temporaire du décret éviterait des «préjudices irréparables». Le décret, a-t-il souligné, comporte «des preuves significatives et irréfutables d'animosité religieuse».

Ce second décret prévoyait de fermer temporairement les frontières américaines aux réfugiés du monde entier et de suspendre l'octroi de visas durant 90 jours pour les ressortissants d'Iran, de Libye, de Syrie, de Somalie, du Soudan et du Yémen.

Le dispositif ne concernait plus l'Irak et exemptait les détenteurs de visas et de «cartes vertes», sésames des résidents permanents.

Le premier décret du 27 janvier avait brusquement semé le chaos dans les aéroports et suscité des réactions outrées à l'étranger ainsi que de nombreuses manifestations aux États-Unis.

Son application avait été bloquée par un juge de Seattle, James Robart, une décision ensuite validée par une cour d'appel de San Francisco, le 9 février, poussant le président républicain à revoir sa copie.

Le juge Robart, également saisi sur le deuxième décret, doit rendre une nouvelle décision après avoir entendu mercredi en audience les parties.

Rendue en premier et de portée plus large, la décision de la cour fédérale d'Hawaï s'imposera de toute façon aux autres tribunaux.

Selon ses détracteurs, le nouveau texte aurait eu des conséquences très négatives sur les secteurs de l'éducation et des affaires, notamment pour les sociétés des nouvelles technologies.