Il n'y aura «pas d'expulsions massives» de clandestins des États-Unis et l'armée ne serait pas utilisée contre eux, ont promis jeudi deux ministres de Donald Trump au Mexique, pays avec lequel les relations sont tendues.

Devant les médias, le secrétaire d'État Rex Tillerson et le secrétaire à la Sécurité intérieure John Kelly, en visite officielle à Mexico, et leurs homologues mexicains ont transmis un message rassurant, alors que clandestins et commerce transfrontalier provoquent une crise diplomatique entre les deux pays.

«Soyons très, très clairs. Il n'y aura pas d'expulsions massives» a assuré M. Kelly, ajoutant que les États-Unis ne feraient «pas usage de l'armée en matière migratoire».

Les ministres ont loué devant la presse des réunions «très productives» et la relation particulière qui unit les deux pays tout en reconnaissant des différences.

«Le chemin sera long pour parvenir à des accords avec les États-Unis, mais nous avons fait aujourd'hui un premier pas dans la bonne direction», a insisté le ministre mexicain de l'Intérieur Osorio Chong.

La venue des ministres à Mexico vise à améliorer la relation bilatérale, malmenée notamment par le projet de mur à la frontière de M. Trump et ses propos cinglants sur les clandestins mexicains, qualifiés de «violeurs» et de «délinquants» durant sa campagne. 

«Les très mauvais gars dehors» 

Le président mexicain Enrique Pena Nieto, qui avait annulé sa visite à la Maison-Blanche prévue fin janvier afin de protester contre l'insistance de M. Trump à vouloir faire payer le mur par le Mexique, devait recevoir les ministres américains en milieu de journée.

Quelques heures plus tôt, le président américain avait déclaré depuis la Maison-Blanche que les efforts engagés par son administration pour expulser certains immigrés clandestins des États-Unis étaient «une opération militaire».

«Vous voyez ce qui se passe à la frontière. Soudain, pour la première fois (...) nous mettons dehors des membres de gangs, nous mettons dehors des chefs de cartels. Nous mettons les très mauvais gars dehors, et cela à un rythme jamais vu», a-t-il déclaré au début d'une rencontre avec des dirigeants d'entreprises.

«Et c'est une opération militaire», a-t-il ajouté, une expression qui a semblé en contradiction avec les propos de M. Kelly jusqu'à une clarification du porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer, qui a précisé qu'elle voulait dire «efficace».

Les autorités mexicaines n'ont de leur côté pour l'heure signalé aucune expulsion de chef de cartel ou même de narcotrafiquant des États-Unis.

«Patio des États-Unis»

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche il y a un mois, M. Trump, par son style et sa politique migratoire et commerciale, a déclenché la pire crise diplomatique entre les deux pays depuis des décennies.

M. Trump s'est par ailleurs engagé à renégocier, voire abroger, l'accord de libre-échange nord-américain Alena, trop favorable selon lui aux intérêts du Mexique.

S'efforçant de faire baisser la tension, les deux capitales ont assuré avoir entamé un «dialogue constructif» depuis la visite de Luis Videgaray il y a deux semaines à Washington, où il a rencontré M. Tillerson.

«Nous sommes un grand allié pour lutter contre les migrations, le trafic de drogues», a insisté de son côté le ministre mexicain de l'Economie Ildefonso Guajardo dans une interview samedi au quotidien canadien The Globe and Mail.

«Si à un moment la relation est malmenée, les motivations pour que le peuple mexicain poursuive sa collaboration sur ces questions au coeur de la sécurité diminueront», a-t-il déclaré.

«Nous n'accepterons pas d'être le patio à l'arrière des États-Unis», où le président américain pourra expulser «qui bon lui semble», a également déclaré jeudi à l'AFP le sénateur Fernando Herrera du parti conservateur mexicain (PAN), qui élabore actuellement un décret pour fixer les limites de la négociation avec les États-Unis.

SANS-PAPIERS AUX ÉTATS-UNIS : COMBIEN ET COMMENT?



Le président mexicain Enrique Pena Nieto recevait jeudi à Mexico le secrétaire d'État américain Rex Tillerson pour discuter des projets de Washington visant à réduire l'immigration clandestine.

Les immigrés clandestins aux États-Unis sont originaires en premier lieu du Mexique. Or les sans-papiers, selon le président américain Donald Trump, représentent «une grande menace pour la sécurité nationale et la sûreté du public».

Voici quelques données sur ces clandestins: combien sont-ils, d'où viennent-ils, prennent-ils les emplois des Américains? 

Combien de clandestins, d'où viennent-ils?

Quelque 11,1 millions d'immigrés clandestins vivent aux États-Unis, selon l'institut Pew, sur une population totale de 324,6 millions d'habitants. Leur nombre a un peu diminué en raison d'un renforcement des contrôles et du contexte économique: ils étaient 12,2 millions en 2007, juste avant la crise économique. Environ 5,9 millions d'entre eux viennent du Mexique, 700 000 du Salvador, 525 000 du Guatemala, et 350 000 du Honduras.

Sont-ils arrivés récemment?

Non. Deux-tiers d'entre eux vivent dans le pays depuis plus de 10 ans, et 86% depuis plus de 5 ans. Beaucoup ont fondé une famille et ont un travail stable.

Prennent-ils les emplois des Américains?

Les immigrés occupent des emplois aux États-Unis, mais avec un taux de chômage très bas à 4,8%, considéré comme du plein emploi, les Américains n'ont pas de mal à trouver du travail.

La police des frontières sous pression

La sécurité aux frontières s'est renforcée et le nombre de clandestins s'est stabilisé depuis plusieurs années, mais contenir l'immigration clandestine à ce niveau est déjà difficile, selon les responsables américains. Interpeller ceux qui tentent de franchir la frontière «met de la pression de manière significative sur les ressources» du ministère de la Sécurité intérieure, selon ce dernier.

Au cours de l'année budgétaire 2016, qui s'est terminée le 30 septembre, les polices des frontières ont interpellé environ 530 000 personnes et en ont expulsé 451 000.

Sur la même période, quelque 534 000 affaires d'immigration ont été portées en justice dans le pays, soit plus du double d'il y a deux ans. 

Les clandestins commettent-ils davantage de délits?

Globalement non. Selon le chercheur Alex Nowrasteh, du Cato Institute, les données montrent que «les immigrés sont moins nombreux à commettre des délits que les Américains de souche, ou n'ont pas d'effet sur le taux de délinquance et de criminalité».

Le fait que les immigrés qui commettent des délits peuvent être expulsés constitue un puissant moyen de dissuasion, explique M. Nowrasteh. En outre, les immigrés clandestins sont moins susceptibles de commettre des délits étant donné qu'ils sont nombreux à venir pour des raisons économiques.

REUTERS

Rex Tillerson lors d'un évènement à Mexico. jeudi.