Les conservateurs américains, réunis depuis jeudi près de Washington, ont mis leurs différends avec Donald Trump en sourdine depuis son élection à la Maison-Blanche, satisfaits de ses premiers pas au pouvoir.

«2017 sera une année historique», a clamé son ex-rival ultra-conservateur, le sénateur du Texas Ted Cruz, prédisant le Congrès le plus productif depuis des décennies.

Et sa conseillère Kellyanne Conway, qui fut sa directrice de campagne, a plaisanté que la Conférence pour l'action politique conservatrice (CPAC) pourrait bientôt être renommée... «TPAC».

Face à un mouvement «un peu sclérosé», a-t-elle expliqué devant des milliers de sympathisants, il a apporté de «l'électricité» et dopé la mobilisation.

Dans les allées du rassemblement annuel, les participants s'accommodaient ainsi de l'avènement de ce milliardaire dont ils se sont longtemps méfiés. Beaucoup se souviennent que Donald Trump, comme homme d'affaires, a autrefois soutenu des démocrates et notamment Hillary Clinton.

«Nous sommes agréablement surpris par ce que Trump a commencé à faire», dit Steve Hanly, pilote de 61 ans venu du Texas avec sa femme et son fils de 19 ans. Tous les trois avaient soutenu Ted Cruz aux primaires.

Les premières décisions sur l'avortement et la nomination d'un juge conservateur à la Cour suprême ont convaincu cette famille que le nouveau président, même s'il n'est pas «un vrai conservateur», emmènera le pays dans la bonne direction.

Depuis sa renaissance dans les années 1960, le mouvement repose sur trois piliers: traditionalisme sur les questions de société comme la famille, l'avortement et les armes; libéralisme pro-marché et réduction du rôle de l'État; et politique musclée de défense.

Durant la campagne, Donald Trump a fait un virage à droite sur la plupart de ces questions, mais il continue de défendre un programme de grands travaux publics, et son discours isolationniste et protectionniste est anathème pour une partie de son camp.

Il y a six ans, le promoteur immobilier s'exprimait pour la première fois à CPAC, créée en 1973. Tour à tour hué et applaudi lors de ses interventions depuis, il s'exprimera vendredi auréolé du succès des élections de novembre, lors desquelles les républicains ont gardé le contrôle du Congrès.

Gratitude 

L'aile populiste et nationaliste, incarnée d'abord par les rebelles du Tea Party puis plus récemment par les partisans de M. Trump, a progressivement pris l'ascendant sur cette grand-messe, qui voyait il n'y a pas si longtemps s'affronter les chrétiens conservateurs et les libertariens.

Dans le hall d'expositions, le groupe «Europe des nations et des libertés» du Parlement européen a pour la première fois acheté un kiosque, où une vidéo sur Marine Le Pen est projetée.

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Ken Bone, qui est devenu une vedette instantanée sur les réseaux sociaux après avoir posé une question lors d'un débat présidentiel en octobre dernier, a fait un tour à CPAC.

Le site d'informations pro-Trump et anti-establishment Breitbart est un commanditaire officiel et ses journalistes sont omniprésents dans les panels. Son ancien patron, Steve Bannon, aujourd'hui conseiller stratégique du président américain, s'exprimera ici jeudi.

Il n'est pas toujours simple pour les dirigeants de se distinguer de la mouvance d'extrême-droite dite «alt-right» et de leurs membres. Un leader du mouvement pour la suprématie de la race blanche, Richard Spencer, venu en simple participant, a créé un attroupement à l'extérieur de la salle.

«Je préfèrerais qu'il ne soit pas là», dit à quelques mètres Matt Schlapp, président de l'Union des conservateurs américains (ACU), qui organise le rassemblement. «Et si vous arrêtiez de lui accorder trop d'attention?» demande-t-il aux journalistes.

Sur scène, le directeur de l'ACU, Dan Schneider, a dénoncé dans un discours cette «droite alternative», constituée de «fascistes de gauche», d'antisémites, de racistes, de sexistes...

À ce stade, la gratitude des républicains pour avoir vaincu Hillary Clinton relègue au second plan toute réserve sur le chaos des premières semaines et le retard au démarrage des grandes réformes promises, notamment l'abrogation d'Obamacare et le Big Bang fiscal.

Les républicains attendent du président qu'il continue à agir, et peu importe s'il continue à tweeter.

«Je me fiche de ce qu'il dit, tant qu'il agit», relève Eric Golub, 45 ans, qui se décrit comme un humoriste conservateur.

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Une participante à CPAC s'exerce dans un champ de tir «virtuel» installé par le lobby pro-armes NRA.