Les difficultés qu'éprouvent plusieurs États américains à trouver les produits médicamenteux requis pour procéder à des exécutions par injection létale les poussent à de surprenantes initiatives.

Les services correctionnels de l'Arizona viennent d'en donner une nouvelle illustration en statuant qu'il sera désormais possible pour les avocats de condamnés à mort de fournir les produits requis pour l'exécution de leurs clients.

Le manuel de procédures, récemment révisé, précise qu'ils peuvent fournir à cette fin du pentobarbital, un sédatif, ou du thiopental sodique, un anesthésiant.

Le document précise que les produits doivent être acquis auprès de pharmacies ou de manufacturiers autorisés et satisfaire à certaines exigences de qualité.

Cette révision des procédures survient alors que l'Arizona doit défendre ses pratiques en matière de peine capitale devant les tribunaux.

L'État avait été plongé dans la controverse en 2014 après l'exécution bâclée de Joseph Wood, qui avait été reconnu coupable d'un double meurtre survenu en 1989.

Dale Baich, avocat fédéral ayant défendu le prisonnier, relate qu'il est mort au bout de deux heures après avoir longtemps cherché son air. Au milieu du processus, ses représentants ont tenté d'obtenir d'un juge que l'exécution soit interrompue, mais en vain.

L'exécution avait été réalisée avec un cocktail médicamenteux « expérimental » utilisant notamment du midazolam comme anesthésiant.

Les autorités se sont engagées depuis à ne plus utiliser ce produit controversé, mais la poursuite lancée pour forcer l'État à revoir ses façons de faire demeure pendante.

« Nous voulons nous assurer que les condamnés à mort ne souffriront pas inutilement si l'Arizona veut procéder à de nouvelles exécutions », explique M. Baich.

En raison notamment d'un embargo imposé par l'Union européenne pour empêcher l'application de la peine de mort, les entreprises qui fabriquaient les produits traditionnellement utilisés par plusieurs États ont cessé leurs exportations vers les États-Unis.

D'autres firmes ont par ailleurs décidé de leur propre chef de ne plus permettre que leurs produits soient utilisés à cette fin, ce qui a généré une pénurie qui favorise les dérapages comme celui survenu dans le cas de Joseph Wood.

Une mesure «ridicule»

L'Arizona, note Me Baich, s'était procuré illégalement du thiopental sodique en Grande-Bretagne en 2011 et avait tenté de le faire de nouveau en 2015 en Inde, avant d'être bloqué par les autorités fédérales.

« Ils n'ont pas aujourd'hui les produits requis pour procéder à des exécutions », souligne l'avocat, qui juge « illégal » et « impraticable » de proposer à des avocats comme lui de combler ce manque.

Robert Dunham, qui dirige le Death Penalty Information Center (DPIC), un groupe de recherche établi à Washington, note que l'idée semble être l'expression de « désespoir » des autorités devant la pénurie.

Les produits utilisés pour l'application de la peine de mort sont contrôlés et ne peuvent, dit-il, être acquis par des avocats. Ces derniers ont par ailleurs le devoir de défendre les intérêts de leurs clients avec zèle. 

« Le fait d'aider à les faire exécuter ne s'inscrit pas dans ce mandat. »

Les services correctionnels de l'Arizona - qui n'ont pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse - n'ont pas annoncé officiellement ce qui motive l'adoption de cette mesure inusitée.

Le « ridicule » qui l'entoure assure cependant qu'aucun autre État ne voudra emboîter le pas, relève le directeur du DPIC, qui s'attend à ce que cette disposition soit invalidée par les tribunaux.

L'Arizona n'a pas réalisé de nouvelles exécutions depuis celle de Joseph Wood en 2014, alors que 119 condamnés à mort attendent leur sort en prison.

PHOTO SAMANTHA SAIS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L'avocat fédéral Dale Baich a défendu le prisonnier Joseph Wood, dont l'exécution bâclée en 2014 avait relancé le débat sur l'application de la peine de mort aux États-Unis.