La confusion au sein de la Maison-Blanche affole la majorité républicaine du Congrès, où tous les parlementaires ne sont pas d'accord sur l'ampleur des enquêtes à mener sur les liens supposés entre des proches de Donald Trump et Moscou.

La complexe affaire russe a conduit au début de l'année au lancement d'enquêtes par les commissions compétentes du Congrès, notamment la commission du Renseignement du Sénat, celle de la Chambre des représentants, ainsi que la commission de la Défense du Sénat, présidée par John McCain, contempteur de Vladimir Poutine.

L'objectif de ces investigations était initialement de faire la lumière sur les tentatives russes d'ingérence dans les élections américaines, a fortiori après que l'administration Obama a officiellement accusé Vladimir Poutine d'avoir cherché à favoriser Donald Trump contre Hillary Clinton, dont des proches ont vu leurs messages privés piratés et diffusés sur Wikileaks.

Ces commissions emploient des collaborateurs habilités au secret défense et sont rompues à ce type d'enquêtes. La commission du Renseignement du Sénat a par exemple produit un épais rapport accablant sur la torture à la CIA en 2014.

Après la révélation dans la presse de contacts répétés durant la campagne entre des proches du candidat Trump et des responsables du renseignement russe, beaucoup d'élus ont demandé l'élargissement des enquêtes à ce volet de l'affaire.

Ils veulent notamment enquêter sur Michael Flynn, éphémère conseiller à la sécurité nationale du président, pour déterminer s'il a agi comme intermédiaire avec un pays encore considéré par la quasi-totalité de la classe politique comme un adversaire géopolitique.

«S'ils existent, ces contacts ont peut-être une explication logique, mais nous ne le saurons pas tant que le Congrès n'aura pas pris le temps d'enquêter», a souligné le sénateur républicain Lindsey Graham.

Commission spéciale

Mais certains craignent que les deux commissions du Renseignement, dirigées par des faucons républicains, limitent le périmètre de leurs travaux aux piratages informatiques de la campagne, ou qu'elles fassent tout à huis clos, sans audition publique.

Le président de la commission du Renseignement de la Chambre, Devin Nunes, a ainsi refusé d'élargir son enquête.

D'où les appels d'élus, notamment dans l'opposition démocrate, à une commission d'enquête parlementaire ad hoc ou spéciale, avec un mandat clair, des auditions publiques et l'assurance d'un rapport final, sur le modèle de la commission Watergate en 1973 ou celle sur les attentats du 11-Septembre.

Des sénateurs démocrates veulent aussi que le département de la Justice nomme un procureur indépendant pour enquêter sur Michael Flynn.

Dilemme

Pour la majorité, cette affaire présente un dilemme, entre le désir de sanctionner la Russie, et celui de ne pas froisser le locataire de la Maison-Blanche, dont les chefs républicains ont besoin pour adopter les grandes réformes conservatrices qu'ils avaient prévues pour 2017.

«On ne devrait pas être en train de parler de tout cela», lâche un sénateur républicain dans les couloirs du Capitole. «Nous sommes inquiets».

Plus généralement, l'amateurisme de la Maison-Blanche dans le premier mois et la tendance du président Trump à tweeter sur des sujets secondaires, comme Meryl Streep ou le complot supposé des médias, agacent les parlementaires.

«Ce serait plus facile pour nous s'il y avait moins de tweets quotidiens», a dit au Wall Street Journal l'homme fort du Sénat, Mitch McConnell.

Le milliardaire dispose pour l'instant encore du soutien de la majorité, beaucoup faisant le gros dos en attendant que la tempête passe.

«Tous les présidents ont droit à une période de grâce le temps de mettre en place leur administration», dit l'élu new-yorkais Peter King. «Je veux lui donner du temps. On verra dans quelques mois».

Mais un affaiblissement prolongé de la Maison-Blanche pourrait donner des ailes aux élus qui ont toujours été mal à l'aise avec l'homme d'affaires, et qui s'étaient résolus à le soutenir après l'élection dans l'intérêt du parti.

La saga de la confirmation des membres du gouvernement a déjà vu la rébellion de plusieurs républicains.

«Nous vivons une époque inhabituelle», dit l'une d'elles, la sénatrice du Maine Susan Collins. Vendredi, elle votera contre la confirmation de Scott Pruitt à l'Environnement.