La justice a infligé un camouflet à Donald Trump en maintenant la suspension de son décret très controversé limitant l'immigration, le président américain promettant de poursuivre la bataille judiciaire pour défendre sa mesure emblématique.

L'appel du gouvernement est « rejeté », ont écrit jeudi les trois juges de la cour d'appel de San Francisco dans leur décision prise à l'unanimité, insistant sur la nécessité de protéger « l'intérêt général ».

Le gouvernement n'a pas démontré que le maintien de la suspension du décret se traduirait par de graves atteintes à la sécurité des États-Unis, ont-ils conclu.

Le décret signé le 27 janvier interdisait l'accès aux États-Unis pour trois mois aux ressortissants de sept pays musulmans et pour quatre mois aux réfugiés. Une interdiction illimitée dans le temps pour les Syriens.

« RENDEZ-VOUS AU TRIBUNAL, LA SÉCURITÉ DE NOTRE NATION EST EN JEU ! », a tweeté le président américain.

Plus tard devant des journalistes, il a qualifié la décision de « politique » : « c'est seulement une décision qui vient de tomber mais nous allons gagner le dossier », leur a-t-il affirmé, selon la chaîne NBC.

Cette mesure présentée comme nécessaire pour lutter contre le terrorisme est la plus emblématique de son début de mandat. Après seulement trois semaines à la Maison-Blanche, il subit donc un revers politique majeur et se retrouve entraîné dans une bataille judiciaire qui promet d'être longue.

Le camp présidentiel a maintenant 14 jours pour demander à la cour d'appel de « reconsidérer » son arrêt ou faire monter l'affaire à la Cour Suprême.

« C'est un soulagement. La décision de la justice confirme les valeurs incarnées par l'Amérique », s'est félicité à Khartoum Mohamed Al-Rashid, un Soudanais de 38 ans, débarqué d'un vol pour les États-Unis à Doha le mois dernier à l'annonce du décret Trump.

La décision du tribunal « dit clairement au président Trump que les Soudanais ne sont pas des terroristes », a ajouté ce pharmacien qui va de nouveau prendre l'avion pour Washington afin d'assister à une conférence.

« Personne au-dessus des lois »

Les juges William Canby, Richard Clifton et Michelle Friedland ont souligné que le gouvernement n'avait « pas fait la preuve qu'un étranger d'un des pays incriminés a perpétré un attentat aux États-Unis » par le passé.

Le décret, qui suspend l'entrée aux États-Unis des ressortissants d'Iran, Irak, Yémen, Soudan, Somalie, Syrie et Libye, avait été bloqué temporairement vendredi dernier par un juge de Seattle, dans l'État de Washington, le temps qu'une plainte déposée par le ministre de la Justice de cet État soit examinée.

Cette mesure, décriée dans le monde entier, avait dans les jours suivant sa promulgation provoqué le chaos dans les aéroports américains et déclenché des manifestations dans tout le pays.

« Personne n'est au-dessus des lois, pas même le président », s'est réjoui Jay Inslee, gouverneur de l'État de Washington, qui avait contesté ce décret en Justice.

Son ministre de la Justice Bob Ferguson s'est félicité d'une « victoire sur toute la ligne ».

« Le président devrait retirer son décret mal fait, précipité et dangereux », a-t-il ajouté.

L'association de défense des droits civiques ACLU a quant à elle assuré que la décision de la cour d'appel était « correcte », qualifiant le décret d'« interdiction des musulmans » (« Muslim ban »).

« Nouvelle ère »

« Les tentatives erratiques et chaotiques du gouvernement de réinstaurer une interdiction anticonstitutionnelle ont eu un impact terrible sur des individus innocents, sur les valeurs du pays et sur notre statut dans le monde », ajoute l'association.

Côté républicains, le sénateur Tom Cotton a de nouveau martelé que le décret du président Trump est « complètement légal » et a qualifié de « malavisée » la position d'une cour d'appel « notoirement à gauche », dont les décisions sont selon lui fréquemment « cassées par la Cour suprême ».

« Aucun étranger n'a de droit constitutionnel d'entrée aux États-Unis et les tribunaux n'ont pas à remettre en question les décisions sensibles du président sur la sécurité nationale », a-t-il fait valoir.

Au cours des derniers jours, le président américain a multiplié les pressions et les attaques contre la justice qu'il accuse d'être « politisée ».

Pour Arthur Hellman, professeur de droit à l'université de Pittsburgh, ces tensions entre le pouvoir exécutif et la justice sont sans précédent : « il n'y a jamais eu de confrontation qui ait escaladé à ce niveau ».

Elles évoquent le bras de fer « entre le président Franklin Roosevelt et la Cour Suprême sur le "New Deal" mais le président Roosevelt n'en avait pas fait une affaire si personnelle », estime-t-il, interrogé par l'AFP.

Mercredi, Donald Trump avait mis en avant un sondage Morning Consult-Politico qui montrait un taux d'approbation de 55 % pour son décret migratoire, faisant valoir que sa base électorale le soutient, même si de précédents sondages constataient le contraire.