L'ancien patron d'ExxonMobil Rex Tillerson a pris les commandes du département d'État américain, en pleine fronde de diplomates contre l'administration de Donald Trump qui multiplie les invectives et les menaces contre des adversaires et des alliés des États-Unis.

Cet ingénieur texan de 64 ans, qui a fait toute sa carrière jusqu'au sommet du géant pétrolier, sans expérience politique bien que proche de nombreux chefs d'État comme le président russe Vladimir Poutine, est dorénavant installé à la tête de la diplomatie de la première puissance mondiale.

Intimidé mais souriant, le 69e secrétaire d'État s'est adressé à quelque 2000 employés du département d'État massés dans le hall aux drapeaux de ce gigantesque bâtiment du sud de Washington, surnommé «Foggy Bottom», qui pilote le premier réseau diplomatique et consulaire de la planète et ses 75 000 diplomates, fonctionnaires et contractuels.

«Salut, je suis le nouveau gars», a lancé sous les rires de l'assistance celui qui succède au professionnel de la politique John Kerry.

Si Rex Tillerson n'a rien dit de ses priorités diplomatiques, il a en revanche reconnu que les Etats-Unis sortaient d'une «élection extrêmement disputée» et que la victoire du magnat de l'immobilier Donald Trump n'était pas du goût de tous au sein de l'appareil d'Etat à Washington.

«Chacun de nous a le droit d'exprimer ses opinions politiques. Mais nos convictions personnelles ne doivent pas entraver notre travail d'équipe», a mis en garde ce capitaine d'industrie qui a dirigé de 2006 au 31 décembre dernier une multinationale pétrolière pesant 350 milliards de dollars en Bourse.

«Des changements» au département d'État 

Devant ses nouveaux cadres, Rex Tillerson a vanté les valeurs de «responsabilité, d'honnêteté et de respect», promettant des «changements» dans le travail de cet immense ministère des Affaires étrangères réputé plutôt progressiste au sein de l'administration américaine.

Sans y faire directement référence, le nouveau chef de la diplomatie a fait allusion à l'«insurrection» bureaucratique, selon l'expression d'un diplomate, qui secoue le département d'État contre le président Trump.

Environ un millier de diplomates et fonctionnaires contestataires ont en effet signé cette semaine un mémorandum dit «dissident», via un canal de communication interne au ministère, pour s'insurger contre le décret anti-immigration qu'a pris Donald Trump le 27 janvier et qui gèle l'entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays musulmans et de réfugiés.

Le président républicain, élu sur un programme nationaliste et isolationniste, a encore salué jeudi matin son nouveau secrétaire d'État, qu'il ne connaissait cependant pas avant de le nommer en décembre.

«Certains n'aimaient pas Rex» 

«Certains n'aimaient pas Rex parce qu'il s'entendait bien avec des dirigeants de la planète (...) Vous devez comprendre que c'est une bonne chose, pas une mauvaise chose», a lancé Donald Trump lors d'une «prière nationale» à Washington, en allusion à la proximité entre l'ex patron d'ExxonMobil et Vladimir Poutine, dont le président américain veut justement se rapprocher.

Ces liens anciens entre le nouveau secrétaire d'État et le chef du Kremlin ne sont pas du goût d'élus démocrates et républicains au Congrès.

Mais le rapprochement voulu avec Moscou n'est pas le seul foyer de tensions provoqué par le 45e président des États-Unis.

Deux semaines après son investiture, Donald Trump multiplie les déclarations diplomatiques incendiaires, le plus souvent sur Twitter tôt le matin ou tard le soir, visant des pays rivaux ou adversaires de l'Amérique, comme la Chine, mais aussi des alliés, comme l'Allemagne.

Le président américain a ainsi ravivé jeudi les tensions avec Téhéran en réaffirmant dans un tweet que «l'Iran a été formellement MIS EN GARDE pour avoir tiré un missile balistique». Il a aussi dénoncé une nouvelle fois l'accord nucléaire «désastreux» de 2015 entre la République islamique et les grandes puissances.

Mercredi, la Maison-Blanche avait officiellement mis en garde l'Iran pour son rôle «déstabilisateur» au Moyen-Orient. La puissance chiite a dénoncé des remarques «sans fondement, répétitives et provocatrices».

Donald Trump s'en est pris aussi à un très proche allié militaire des États-Unis: l'Australie. D'après le Washington Post, le président américain a incendié le Premier ministre australien Malcolm Turnbull lors d'un échange téléphonique houleux le week-end dernier au sujet d'un accord sur l'accueil de migrants forgé entre Canberra et l'administration de Barack Obama.

Ces tensions entre deux alliés occidentaux ont fait sortir de ses gonds le sénateur républicain John McCain, un détracteur de Donald Trump: il a raconté dans un communiqué qu'il avait dû «appeler l'ambassadeur australien aux États-Unis pour lui exprimer (son) soutien indéfectible à l'alliance États-Unis/Australie».