À la gauche d'un tableau réaliste de la famille Obama, Greg Garland, vendeur et peintre ambulant de Harlem, a placé sur son étal une toile fantaisiste : on y voit le 44e président en compagnie de trois grands hommes, Nelson Mandela, Martin Luther King (MLK) et Malcolm X.

Pas besoin d'être un génie pour comprendre que Garland tient en haute estime Barack Obama. « Ce que cet homme, appelé Barack Hussein Obama, a accompli est extraordinaire. Il a réussi à se faire élire à la présidence des États-Unis pas seulement une fois, mais deux fois. Les Américains ont dit: "Je me fous que tu aies un nom musulman, je me fous que tu aies la peau noire, c'est toi que je veux." Ça, c'est l'incarnation du rêve de MLK.»

Et que penserait de Donald John Trump (DJT) le pasteur noir assassiné, dont l'anniversaire de naissance est souligné aujourd'hui aux États-Unis par un jour férié?

«MLK a prédit l'avènement d'Obama. Je ne sais pas ce qu'il penserait de Trump. Je sais que plusieurs personnes ici ne l'aiment pas», dit Greg Garland.

Les étals des marchands ambulants de la 125e Rue, principale artère commerciale du quartier emblématique de la communauté noire de New York, témoignaient, vendredi et samedi, soit de cette antipathie, soit d'une grande indifférence. Il y a huit ans, à la veille de l'investiture de Barack Obama à titre de président, ils étaient couverts de marchandises à son effigie. Ce week-end, sauf erreur, un seul des étals offrait un souvenir faisant référence à Donald Trump. Il s'agissait d'un sac sur lequel on pouvait lire «Not My President». Pas mon président.

Faut dire que MLK lui-même semble avoir moins la cote qu'avant à Harlem. Malcolm X, leader plus radical du mouvement de libération des Noirs, le supplante dans plusieurs étals.

Les meilleurs vendeurs



«Ce sont mes meilleurs vendeurs», dit Greg Price en montrant du doigt des t-shirts ornés de photos de Malcolm X en compagnie de Muhammad Ali ou de Fidel Castro, deux géants morts en 2016.

Les photos montrant Malcolm X avec Fidel ont été prises en 1960 dans l'immeuble qui abritait à l'époque l'hôtel Teresa, situé à deux pas de l'étal de Greg Price.

N'empêche : c'est en invoquant le nom de Martin Luther King que des militants new-yorkais du mouvement Black Lives Matter ont invité samedi leurs sympathisants à se rassembler dans les cinq arrondissements de la ville et à converger vers la tour Trump. Le double objectif des organisateurs : sensibiliser les jeunes à l'importance de voter et rencontrer Trump au 26e étage de sa tour.

Bien emmitouflée pour se protéger contre le froid, Carol Garza se trouvait au point de départ de la marche, à Harlem. Contrairement à d'autres manifestants, elle ne croit pas que MLK verrait en DJT l'envers de son rêve.

«Je pense que Martin Luther King dirait : "Donnons-lui une chance, car il n'a pas encore commencé à diriger son administration"».

La sociologue et documentariste qui enseigne au John Jay College of Criminal Justice ajoute : «Nous savons qu'il est un peu immature sur le plan de sa connaissance des affaires publiques et de sa capacité à représenter tous les citoyens. Mais nous devons attendre et voir.»

Carol Garza est moins compréhensive concernant la polémique impliquant Donald Trump et le représentant démocrate de Géorgie John Lewis, héros de la lutte contre la ségrégation. Lors d'une entrevue accordée à NBC vendredi, Lewis a annoncé qu'il n'assisterait pas à la cérémonie d'investiture de Trump. «Je ne le considère pas comme un président légitime», a-t-il dit en évoquant l'ingérence russe dans l'élection présidentielle.

À deux jours du Martin Luther King Day, le président désigné aurait pu encaisser le coup. Mais, fidèle à lui-même, il a réagi sur Twitter en reprochant à Lewis, qui a risqué sa peau pour la libération des Noirs, de n'être que «paroles, paroles, paroles - pas d'action ni de résultats».

«C'est irresponsable de la part de Donald Trump de s'en prendre à John Lewis comme il l'a fait, a commenté Carol Garza. Il occupera bientôt le poste le plus puissant au pays. En tant que leader, il ne peut se permettre d'être dérangé par tout ce qui se dit sur son compte. Il doit apprendre le discernement et être plus mesuré dans sa façon de s'exprimer.»

Quelques heures plus tard, les militants de Black Lives Matter ont reçu la réponse à laquelle ils s'attendaient en arrivant devant la tour Trump alors que la neige s'était mise à tomber sur la Cinquième Avenue. Le maître de céans ne les recevrait pas.

Le lendemain matin, l'équipe de Trump a également fait savoir que le président désigné ne visiterait pas comme prévu le nouveau musée national afro-américain de Washington à l'occasion du MLK Day. Elle a invoqué un «problème de calendrier».

Joyeux MLK Day quand même.