Répondre aux menaces nucléaire et balistique de la Corée du Nord risque d'être le premier défi de politique étrangère pour Donald Trump, mais ses options seront limitées après l'échec de la stratégie de sanctions et d'ouverture au dialogue poursuivie par Barack Obama.

Dans l'un de ses désormais traditionnels tweets du soir, le prochain président des États-Unis a assuré lundi qu'un missile nord-coréen n'atteindrait jamais le territoire américain. Il répondait au dirigeant Kim Jong-Un qui avait vanté dans son discours de Nouvel An l'imminence d'un test de missile balistique intercontinental.

Mais cette nouvelle sortie de M. Trump, interprétée comme une menace voilée contre Pyongyang, a provoqué de nouvelles critiques à Washington. Des experts jugeant dangereuse une option militaire qui déclencherait une réaction en chaîne en Asie.

«Notre prochain commandant en chef a-t-il promis, 18 jours avant son investiture, de mener une guerre préventive contre la Corée du Nord?», s'est ainsi inquiété dans un tweet Strobe Talbott, président de l'institut Brookings et ancien secrétaire d'État adjoint sous la présidence de Bill Clinton (1993-2001).

«Attaquer la Corée du Nord, ce serait de la folie», s'alarme aussi Philippe Le Corre, chercheur français à Brookings et qui a bien du mal à décrypter le message de M. Trump.

«Je ne vois pas très bien quelles seraient ses options (...) Soit les États-Unis discutent avec le régime nord-coréen et cela veut dire qu'à un moment ou un autre on fait un marché. Soit on renforce les sanctions», explique-t-il à l'AFP.

«Jouet» nucléaire

De fait, le débat sur la stratégie face à Pyongyang oppose ceux qui conseillent de viser l'existence même du régime nord-coréen par un mélange de sanctions et de menaces militaires et ceux qui jugent que ce cocktail doit servir de levier diplomatique pour relancer des négociations en vue d'une «dénucléarisation».

L'administration Obama a tenté de concilier les deux approches: à coup de menaces et de sanctions, mais aussi en cherchant constamment la reprise du dialogue dans le cadre des discussions internationales à six -gelées depuis des années- entre la Corée du Nord, la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis, la Russie et le Japon.

Mais fin octobre, juste avant l'élection de Donald Trump, le coordonnateur sortant du renseignement américain James Clapper avait jeté un pavé dans la mare: persuader la Corée du Nord de renoncer à son programme militaire nucléaire est «probablement une cause perdue» car c'est le «ticket de survie» du régime communiste.

C'est l'avis de M. Le Corre, pour qui l'«habile» Kim Jong-Un «ne peut pas s'en sortir autrement qu'en sanctifiant son régime autoritaire et fermé. Le nucléaire est l'un des jouets qu'il a à sa disposition».

Pyongyang «déterminé»

La menace est ainsi prise très au sérieux par Washington.

«Beaucoup d'experts pensent que dans deux ou trois ans la Corée du Nord devrait être en mesure d'envoyer une charge nucléaire sur le territoire continental des États-Unis», confie à l'AFP Robert Einhorn, qui fut jusqu'en 2013 conseiller au département d'État en matière de non-prolifération.

Et l'analyste pense que pour Pyongyang ses programmes militaires nucléaire et balistique ne sont «pas négociables» et qu'il est bien «déterminé à aller de l'avant».

Pour y répondre «l'administration Trump devra décider si la stratégie doit être uniquement de faire pression ou de faire pression et de négocier en même temps», conseille M. Einhorn, à la manière des pourparlers internationaux avec l'Iran qui avaient débouché en 2015 sur un accord sur son programme nucléaire controversé.

En 2016, la Corée du Nord a procédé à deux essais nucléaires, dont le plus puissant qu'elle n'ait jamais effectué, le 9 septembre, et à une vingtaine d'essais de missiles balistiques, au mépris des résolutions de l'ONU. Depuis 2006, cinq essais nucléaires et des tests de missiles lui ont valu de sévères sanctions internationales, encore renforcées en mars et en novembre.

Mais ces mesures punitives n'ont jamais dissuadé Kim Jong-Un d'ordonner la poursuite sans relâche de ses programmes militaires.

Face à la menace, le Pentagone a réaffirmé mardi sa «confiance» dans la capacité des États-Unis à se protéger, appelant Pyongyang à éviter toute «provocation». Et le département d'État, architecte de la politique américaine à l'égard de la Corée du Nord, a renouvelé son offre de réouverture des négociations à six pays, tout en menaçant Pyongyang de «sanctions supplémentaires».