Les enquêteurs de la police fédérale américaine ont décrit vendredi à son procès l'impassibilité glaçante de Dylann Roof, lors de son arrestation au lendemain de la tuerie qu'il avait perpétrée dans une église noire de Caroline du Sud.

La déposition à la barre de Michael Stansbury, agent spécial du FBI, a conforté l'accusation qui entend convaincre les douze jurés de la cour de Charleston que le jeune homme mérite d'être condamné à la peine de mort.

Nous sommes le 18 juin 2015. Les États-Unis sont sous le choc de la pire attaque raciste menée dans le pays depuis des années : neuf paroissiens noirs ont été tués par balle à l'église méthodiste de l'Emanuel, dans un bain de sang difficilement explicable qui sème l'effroi.

Ayant choisi d'ouvrir une enquête pour « crimes racistes », M. Stansbury reçoit rapidement des informations sur une implication probable de Dylann Roof, un jeune solitaire de 21 ans qui professe la supériorité de la race blanche. Sa voiture et lui ont été filmés devant l'église.

Les enquêteurs se déploient dans la ville de Columbia, où vivait le suspect, se rendent chez son père, saisissent des photos : tout semble concorder. Le jeune homme est interpellé par une patrouille sur une route de Caroline du Nord, puis est conduit dans un commissariat de la ville de Shelby.

L'agent spécial Stansbury s'y rend immédiatement. À son arrivée, le tireur présumé affiche un calme perturbant.

« Aucune émotion »

« Dylann Roof était assis, en train de manger un hamburger. Il ne semblait pas troublé, il ne pleurait pas, n'affichait aucune émotion », a-t-il relaté vendredi.

Le policier obtient le feu vert de sa hiérarchie pour procéder, en compagnie d'un autre agent du FBI, à un interrogatoire filmé de Dylann Roof. La vidéo de ce moment-clé a été projetée vendredi à l'audience.

« Nous aimerions vous parler de diverses choses », commence prudemment l'agent spécial, en faisant signer à Roof un document lui détaillant ses droits.

« Je suis prêt à parler et à répondre à vos questions », répond ouvertement le jeune homme, qui n'est alors plus menotté.

Après quelques palabres censées instaurer un climat de confiance, les policiers entrent dans le vif du sujet : « Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé hier soir ?».

« Je me suis rendu à cette église de Charleston et... euh, je l'ai fait », répond froidement Dylann Roof.

« J'ai tué, j'imagine »

« Fait quoi ? », lui demande l'un des deux agents.

« Je n'aime pas vraiment le dire », reprend Roof. « J'ai tué, j'imagine ».

Puis, toujours sans vraiment se troubler, le tireur relate en détail comment il s'est assis parmi l'assemblée de l'Emanuel African Methodist Episcopal Church, prétendant prendre part à une séance d'étude de la Bible.

« Cela s'est passé très vite », dit-il de l'instant où il a ouvert le feu, tirant plus de 70 balles sur les fidèles. Des gestes qu'il mime devant les policiers, bras tendu pour montrer comment il a braqué son arme.

Dylann Roof va même jusqu'à détailler pourquoi il n'a mis que 11 balles dans chacun des chargeurs de 13 balles de son calibre. 45 de marque Glock : afin qu'il ne s'enraye pas.

Survenue un demi-siècle après l'abolition de la ségrégation raciale, la fusillade dont répond Dylann Roof avait d'autant plus choqué l'opinion publique nationale et internationale qu'elle avait ensanglanté une église symbole de la lutte des Noirs contre l'esclavage.

« Pourquoi avez-vous choisi Charleston ? », lui demande l'un des deux agents, dans la vidéo.

« J'aime bien Charleston », réplique le jeune homme. « Vous savez, c'est une ville historique ».

photo Jason Miczek, archives REUTERS

Selon la poursuite, Dylann Roof a minutieusement préparé la tuerie qu'il a perpétrée en 2015 dans une église noire de Caroline du Sud.