À la mi-novembre, Donald Trump a annoncé sur Twitter comment il entendait choisir son cabinet. « C'est un processus très organisé. Je décide qui fera partie du cabinet. Je suis le seul qui sait qui sont les finalistes. »

Le mot « finaliste » en a surpris plusieurs. Quand des personnalités politiques comme Mitt Romney, candidat républicain en 2012, Ted Cruz, ex-gouverneur du Texas et candidat aux primaires, ou Chris Christie, gouverneur du New Jersey et lui aussi candidat aux primaires, ont commencé à défiler dans le lobby de l'édifice Trump à New York pour prendre l'ascenseur et rencontrer le prochain président américain, les comparaisons avec la téléréalité The Apprentice se sont multipliées.

Cette manière de choisir un cabinet expose les candidats à l'humiliation de ne pas être choisis finalement et est plutôt inhabituelle. « Je me souviens de cas où on savait à propos de certaines visites, les Bush par exemple, et d'autres où rien ne transpirait, comme Reagan ou Clinton, explique Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Mais après tout, quand [Richard] Nixon rencontra [Henry] Kissinger à l'hôtel Pierre de New York, tout le monde fut mis au courant ! Disons qu'avec Trump, tout est démesuré ! »

Les médias américains spéculent sur la composition du cabinet chaque fois que les États-Unis changent de président, mais seules des fuites révèlent normalement qui le prochain président rencontre à ce sujet. L'identification des candidats semble a priori contre-productive, parce que certains ne voudront pas risquer de ne pas être choisis, a indiqué Reed Galen, qui a travaillé aux campagnes présidentielles républicaines de 2000, 2004 et 2008 et qui est maintenant lobbyiste au site Business Insider.

« Est-ce une bonne manière de choisir son cabinet ? Pas vraiment. Mais Trump a mené la pire campagne de l'histoire moderne sur le plan technique et il va devenir président, alors que savons-nous vraiment des bonnes stratégies en politique ? » - Reed Galen, consultant politique

The Apprentice, dont la 14e saison s'est terminée juste avant que Trump annonce sa candidature aux primaires, mettait en lice des candidats dont l'un gagnait un contrat d'un an avec les entreprises Trump. La tirade de ce dernier, « you're fired », est devenue l'emblème du rapport de pouvoir qui était la marque de commerce de The Apprentice.

« C'est la téléréalité qui joue le plus sur l'humiliation et les rapports de pouvoir », explique Pierre Barrette, professeur de communications à l'Université du Québec à Montréal qui a publié des analyses sur le phénomène des téléréalités. « On parle souvent que Simon Cowell [juge à plusieurs concours de chant comme American Idol] est très critique, mais il n'est pas le seul juge, et ses propos sont tempérés par les autres. »

Les téléréalités campées dans le monde des affaires sont déjà plus propices à ce genre de rapport de pouvoir. « Dans les Dragons, par exemple, les juges sont des gens qui ont de l'assurance, qui ont réussi, dit M. Barrette. Mais même là, on tempère avec Danièle Henkel qui, même si elle est une femme d'affaires accomplie, est considérée plus empathique. »

En quelque sorte, l'évocation de The Apprentice par Trump alors qu'il forme son cabinet est une manière de boucler la boucle, selon M. Barrette. « The Apprentice l'a fait connaître et lui a permis de remporter la présidence. Les auditeurs des téléréalités sont souvent de gens des classes moyennes inférieures, justement ceux qui l'ont élu. »

SECRÉTAIRE D'ÉTAT : LE SUSPENSE CONTINUE

Alors que la porte-parole de Donald Trump affirmait la semaine dernière qu'il ne restait plus que quatre candidats pour le poste de secrétaire d'État, des médias ont rapporté que le filet s'est à nouveau élargi cette semaine. Outre Mitt Romney, l'ancien maire de New York Rudolph Giuliani, le général David Petraeus (considéré comme responsable de succès militaires en Irak et en Afghanistan) et le sénateur Bob Corker, trois autres noms circulent maintenant dans les médias : Jon Huntsman, ancien gouverneur de l'Utah et ambassadeur en Chine, Rex Tillerson, PDG du géant pétrolier Exxon Mobil, et James Stavridis, ancien commandant des forces de l'OTAN en Europe.