Avec la mort de Fidel Castro, les États-Unis perdent leur dernier grand ennemi de la guerre froide. Mais le « Lider Maximo » était depuis longtemps sorti du jeu et mis à l'écart du rapprochement historique opéré par le président Barack Obama et le frère de Fidel, le président Raul Castro.

La disparition du père de la Révolution cubaine, qui aura défié la superpuissance américaine sous 11 présidents à la Maison-Blanche, survient en pleine transition du pouvoir à Washington : Barack Obama, qui quittera la présidence le 20 janvier, a estimé que « l'Histoire jugera de l'impact énorme » de Fidel Castro, tandis que le président élu Donald Trump a au contraire dénoncé « un dictateur brutal », sans toutefois remettre en cause explicitement le dégel Washington-La Havane.

Si plusieurs dirigeants européens en visite à Cuba sont allés, ces dernières années, présenter leurs respects à Fidel Castro, les autorités américaines l'ont ignoré depuis le début officiel, le 17 décembre 2014, du réchauffement des relations entre les deux pays. Ils ne traitent qu'avec Raul.

Malgré la réouverture des ambassades à l'été 2015 et la visite sans précédent de Barack Obama en mars 2016, les relations entre les États-Unis et l'île distante de seulement 150 kilomètres sont loin d'être normalisées. L'embargo économique, imposé depuis 1962 par les Américains, est maintenu et le Congrès à majorité républicaine s'oppose résolument à sa levée.

Invasion ratée de la Baie des Cochons - tentative de renversement du jeune régime castriste par des exilés appuyés par Washington en 1961 -, crise des missiles russes qui fit passer le monde à deux doigts d'un troisième conflit mondial : la confrontation a été immédiatement violente entre les États-Unis et Castro, soutenu par l'Union soviétique.

« Ce que les impérialistes ne peuvent nous pardonner, c'est d'avoir fait triompher une révolution socialiste juste sous le nez des États-Unis », avait lancé au début des années 60 Fidel Castro.

De Dwight Eisenhower à Barack Obama - présidents républicains comme démocrates - Fidel Castro n'a cessé de s'ériger en rempart contre le capitalisme.

« L'Histoire jugera »

À de rares exceptions près, comme le démocrate Jimmy Carter (1977-1981), tous ont tenté de faire plier Cuba en renforçant les rétorsions économiques et commerciales ou en soutenant l'opposition en exil. En vain.

Avant la tentative finalement réussie de Barack Obama - avec l'appui du Vatican - les tractations secrètes et la diplomatie parallèle auxquelles se sont essayés nombre de présidents n'avaient pas abouti.

Dans un communiqué, M. Obama a estimé que « l'Histoire sera comptable et jugera de l'impact énorme » de « la figure singulière » de Fidel Castro.

Il a fait part de son « amitié au peuple cubain » en rappelant avoir « travaillé dur » pour tourner la page de plus d'un demi-siècle de « discorde et de profonds désaccords politiques ».

Au contraire, Donald Trump a tonné contre « un dictateur brutal qui a opprimé son peuple » et le prochain président américain s'est engagé à « tout » faire pour contribuer à la « liberté » et à la « prospérité » du peuple cubain.

Le républicain n'a toutefois pas explicitement critiqué la politique d'ouverture de son prédécesseur démocrate.

Ces derniers mois, il avait cependant entretenu le flou.

Le milliardaire avait d'abord soutenu le dégel, mais, une fois en campagne, il avait émis des réserves, regrettant que le président Obama n'ait selon lui rien obtenu en échange des assouplissements à l'embargo consentis par la Maison-Blanche. En octobre, il avait même affirmé qu'il ferait « tout pour obtenir un accord solide » avec La Havane, laissant présager un retour en arrière.

« Régime meurtrier »

D'autant que la question cubaine reste un enjeu de politique intérieure américaine, le poids des exilés étant déterminant, en particulier au Congrès.

Le parti républicain a d'ailleurs dénoncé dans un communiqué le fait que « des millions de Cubains ont souffert d'un régime répressif et meurtrier » et a dit « prier pour que ce moment soit l'aube d'un nouveau jour sur l'île » communiste.

L'organisation américaine de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch, a elle aussi fustigé « le sombre héritage qui survivra à la mort » de Fidel Castro.

Mais pour Barack Obama, la percée diplomatique majeure avec Cuba doit être irréversible : « Notre intention a toujours été de créer une dynamique tout en étant conscients que le changement n'interviendrait pas du jour au lendemain », avait-il souligné en mars.

Si Fidel Castro « était resté au pouvoir, cette nouvelle phase de la relation avec les États-Unis n'aurait pas eu lieu. Mais en même temps, il a clairement laissé faire son frère », pense Peter Schechter, du centre de recherches Atlantic Council.

Les 11 présidents américains défiés par Fidel Castro

De Dwight Eisenhower, qui a rompu les relations avec Cuba, à Barack Obama, qui a décidé de rétablir les liens diplomatiques avec le régime communiste, Fidel Castro a défié 11 présidents des États-Unis.

- Dwight Eisenhower (1953-1961) : Républicain. Il fournit des armes et un soutien logistique au dictateur Fulgencio Batista contre la guérilla de Castro. Il rompt les relations avec Cuba en janvier 1961 et a préparé'invasion de la baie des Cochons (sud de l'île), qui sera déclenchée trois mois plus tard.

- John F. Kennedy (1961-1963) : Démocrate. Donne le feu vert à l'opération de la baie des Cochons en avril 1961. Est un des acteurs clés de la crise des missiles en octobre 1962. Met en place l'embargo économique imposé à l'île. Au moment de son assassinat, il tentait de négocier avec Castro.

- Lyndon Johnson (1963-1969) : Démocrate. Renforce l'embargo et essaye d'entraver le commerce de nickel cubain vers le bloc soviétique. Approuve les plans de la CIA contre Castro. Sous son gouvernement, guérillas et groupes anticastristes opèrent à Cuba.

- Richard Nixon (1969-1974) : Républicain. Renforce les actions contre le régime castriste, comme les enlèvements de pêcheurs. Fait également barrage aux exportations cubaines de nickel.

- Gerald Ford (1974-1977) : Républicain. Sous son mandat, les attaques contre les ambassades et intérêts cubains à l'étranger se multiplient. Un attentat contre un avion de la Compagnie Cubana au départ de la Barbade fait 73 morts. Il autorise le premier voyage de chefs d'entreprises américaines à Cuba et les mesures d'assouplissement de l'embargo et des relations diplomatiques.

- Jimmy Carter (1977-1981) : Démocrate. Assouplit l'embargo, et sous sa présidence s'ouvrent des sections d'intérêts à Washington et La Havane tandis que débutent les premières visites sur l'île de Cubains émigrés. Des pactes sur la délimitation des zones maritimes économiques sont signés. En 1980, l'épisode du port de Mariel met un terme au processus. Une nouvelle crise diplomatique se produit à cause de la présence de chasseurs MiG à Cuba. Il visitera l'île à deux reprises en tant qu'ancien président.

- Ronald Reagan (1981-1989) : Républicain. Renforce les mesures hostiles au régime et revient sur l'assouplissement de l'embargo. La fondation nationale cubano-américaine, principal regroupement d'exilés, voit le jour, ainsi que les radio et télévision Marti du gouvernement américain qui émettent vers Cuba. Le premier accord migratoire est signé (1984).

- George Bush (1989-1993) : Républicain. Durcit l'embargo avec la loi Torricelli, profitant de la chute du bloc soviétique. Les succursales d'entreprises américaines à l'étranger se voient interdire de faire des affaires avec Cuba.

- Bill Clinton (1993-2000) : Démocrate. Applique la loi Torricelli et approuve la loi Helms-Burton qui renforce l'embargo. La crise des « balseros » et ses 36 000 Cubains qui partent vers les États-Unis à bord d'embarcations de fortune a lieu en 1994. Il signe un accord migratoire et soutien les activités anticastristes.

- George W. Bush (2001-2008) : Républicain. Accroît le soutien financier aux groupes anticastristes et renforce l'embargo, il limite également les voyages et les envois d'argent à Cuba. Autorise le commerce de biens alimentaires, bien qu'avec des restrictions.

- Barack Obama (2009-2017) : Démocrate. Premier président américain à ne pas trouver Fidel Castro au pouvoir. Opère fin 2014 un rapprochement historique après un demi-siècle d'hostilités et rétablit les liens diplomatiques avec l'île en 2015.