Sans mandat politique depuis quinze ans, l'ancien maire de New York Rudy Giuliani est néanmoins pressenti pour devenir secrétaire d'État de Donald Trump, qui récompenserait ainsi sa fidélité et s'appuierait sur son image d'homme à poigne charismatique.

Aux États-Unis, comme dans le reste du monde, quinze ans après l'attentat du World Trade Center, Rudy Giuliani (72 ans) reste le «maire de l'Amérique», l'homme qui a remis New York debout après le 11-Septembre.

Cet épisode reste le sommet de la vie publique de cet enfant d'une famille italo-américaine de New York, né le 28 mai 1944 à Brooklyn, qui avait, à l'époque, rassuré une ville en détresse en se démultipliant, infatigable.

Il confortait là son image d'homme à poigne, bâtie en faisant chuter brutalement les chiffres de la délinquance durant ses deux mandats à la mairie de New York (nombre d'homicides divisé par trois).

Discours volontaire, renforcement des effectifs, soutien indéfectible aux forces de police, Rudy Giuliani s'est érigé en héraut de la sécurité, après avoir fait la chasse aux mafieux durant les années 80, en tant que procureur fédéral à New York.

Cet avocat de formation, au débit nerveux avec un léger chuintement, a tenté, en 2007, de faire fructifier ce parcours unique dans le monde de la politique aux États-Unis, en se présentant à la primaire républicaine.

Mais après avoir été longtemps en tête des sondages, il a calé juste avant les premiers scrutins et abandonné très tôt.

Ses grandes propositions de l'époque rappellent, pour beaucoup, la plateforme actuelle de Donald Trump: fin de l'immigration clandestine, identification de tous les non-citoyens vivant aux États-Unis, baisse des impôts, réduction du nombre d'avortements, coup de balai à Washington.

Il n'avait pas hésité, à l'époque, à mettre de côté certaines de ses anciennes positions beaucoup moins conservatrices, comme le contrôle des armes individuelles, le droit à l'avortement, l'union homosexuelle ou une certaine souplesse sur l'immigration.

«Nomination non conventionnelle»

Lorsque le promoteur immobilier lui a demandé de rejoindre sa campagne, Rudy Giuliani s'est donc assez naturellement engagé en faveur de son ami, new-yorkais également, présent à son mariage (le troisième) en 2002 comme lui assista au sien en 2005.

Sans mandat politique depuis quinze ans, éloigné des instances nationales du parti républicain, l'ancien maire de New York n'avait pas grand-chose à perdre à suivre celui qui est apparu comme un outsider jusqu'au bout.

Durant la campagne, il n'a pas ménagé ses efforts et a fait, dans la lignée de son candidat, une série de déclarations outrancières, en direction principalement des démocrates.

Sa fidélité est aujourd'hui en passe d'être récompensée, avec le poste de secrétaire d'État en ligne de mire.

«Ce serait une nomination non conventionnelle, mais le candidat et la campagne ont été aussi non conventionnels», observe Daniel DiSalvo, professeur au City College de New York.

Bien que reconverti dans le conseil en sécurité à l'international depuis quelques années, Rudy Giuliani n'a pas l'expérience de l'actuel secrétaire d'État John Kerry, d'Hillary Clinton, de Condoleezza Rice ou Colin Powell, ses prédécesseurs, relève l'universitaire.

Au cours de la campagne et précédemment, il a exprimé quelques positions en matière de politique étrangère, puisant le plus souvent dans le registre de la fermeté, son credo de toujours.

Soutien indéfectible à Israël et dureté avec les Palestiniens, fermeté accrue vis-à-vis de la Russie, maintien des troupes américaines en Afghanistan, vigilance avec la Chine, suspecte d'éventuelles visées expansionnistes.

Reste sa principale source de légitimité, la lutte contre le terrorisme, qu'il a inscrit dans les prérogatives du maire de New York, lors de son mandat, ce qui était nouveau à l'époque.

Paradoxalement, l'inexpérience relative de Rudy Giuliani pourrait avoir joué pour lui.

«Trump, d'une certaine manière, a fait une campagne de révolte, en opposition avec l'establishment de son parti», rappelle Daniel DiSalvo.

«Donc maintenant qu'il s'agit de remplir des postes», dit-il, «il doit chercher ailleurs que chez les gens qui sont proches du pouvoir».

Profonde réforme fiscale

Le nom du diplomate John Bolton, ancien ambassadeur des États-Unis à l'ONU et ferme partisan de l'invasion de l'Irak en 2003, a également été avancé pour diriger la diplomatie.

Rudy Giuliani a lui-même affirmé que «John serait un excellent choix», lors d'une conférence organisée lundi par le Wall Street Journal. Mais interrogé sur une meilleure candidature, il a répondu: «Peut-être moi, je ne sais pas».

Lors de cette conférence, il a également présenté le groupe État islamique comme le «plus grand danger» pour le monde et les États-Unis, «à court terme».

Le choix n'était toutefois pas arrêté mardi et le bal des prétendants se poursuivait à la tour Trump de Manhattan, où Donald Trump vit et a ses bureaux.

Le vice-président élu Mike Pence y est arrivé à la mi-journée pour travailler à la formation de la future administration. À partir du 20 janvier, elle devra mettre en application les promesses de Donald Trump: lutte contre l'immigration illégale, baisse des impôts, réforme de la loi sur l'assurance-santé dite Obamacare et révision des grands accords commerciaux. Même si sur plusieurs points, la position du président élu semble s'adoucir.

Pour le deuxième jour de suite, l'ancien dirigeant de la banque d'affaires Goldman Sachs Steve Mnuchin, pressenti pour le poste de secrétaire au Trésor, s'est présenté à la Trump Tower.

«Nous travaillons sur le programme économique (...) pour nous assurer que nous allons passer la plus grosse loi sur la fiscalité, le plus gros changement sur la fiscalité depuis (Ronald) Reagan, nous aurons donc beaucoup de choses enthousiasmantes pendant les 100 premiers jours de sa présidence», a-t-il dit aux journalistes.