Les Etats-Unis s'apprêtent à investir des dizaines de milliards de dollars dans la modernisation de leurs 400 missiles balistiques nucléaires intercontinentaux, pourtant considérés par certains comme d'inutiles vestiges de la guerre froide.

Lundi, le secrétaire à la Défense américain Ashton Carter a défendu ce choix lors d'un déplacement à Minot, dans le Dakota du Nord, l'un des trois sites à accueillir les 400 missiles intercontinentaux américains baptisés Minuteman III.

«Nous commençons maintenant à corriger des décennies de sous-investissement dans la dissuasion nucléaire», a déclaré Ashton Carter.

Le secrétaire à la Défense a rappelé que les États-Unis allaient aussi investir dans les prochaines années dans de nouveaux sous-marins lanceurs d'engins. Et dans une modernisation de la bombe nucléaire B-61, ou la conception d'un nouveau missile de croisière.

Les États-Unis ne veulent pas baisser la garde nucléaire, a expliqué M. Carter, malgré les énormes attentes créées par le président Barack Obama en 2009 dans un discours célèbre à Prague, où il avait affirmé son attachement à l'objectif d'un monde sans armes nucléaires.

Car les adversaires potentiels des États-Unis, eux, continuent d'investir dans leur arsenal nucléaire.

«Nous n'avons rien conçu de nouveau pendant les 25 dernières années, mais d'autres l'ont fait, y compris la Russie, la Corée du Nord, la Chine, l'Inde, le Pakistan et pendant un certain temps l'Iran», a aussi souligné M. Carter.

Moscou en particulier inquiète les stratèges du Pentagone. Il est possible que les dirigeants russes d'aujourd'hui n'aient plus «la grande retenue» qu'avaient leurs prédécesseurs soviétiques, quand il s'agissait de «brandir leurs armes nucléaires», a-t-il prévenu.

Après l'annexion de la Crimée, Vladimir Poutine a publiquement déclaré qu'il avait été prêt à sortir l'arme nucléaire pendant les opérations.

Trop cher  

Selon certains experts, le coût d'une modernisation complète de l'arsenal nucléaire américain dans les prochaines décennies atteindra pourtant le millier de milliards de dollars.

Une dépense insoutenable, alors même que les États-Unis doivent aussi investir des sommes colossales dans la modernisation de leurs armements conventionnels, ceux qu'ils utilisent réellement aujourd'hui.

D'où l'importance de faire des choix et de renoncer à certaines composantes de la dissuasion nucléaire, comme le missile balistique intercontinental.

«Nous ne pouvons tout simplement pas nous payer» un nouveau Minuteman III, a expliqué la semaine dernière le représentant démocrate Adam Smith, en soulignant que des trois composantes de la dissuasion américaine, c'est la terrestre qui est la moins utile.

La Chine, grande puissance militaire émergente, se vante de sa «spectaculaire dissuasion», avec un nombre d'armes nucléaires bien inférieur, a-t-il estimé.

Mais l'US Air Force, qui a la responsabilité des Minuteman III, affirme de son côté qu'il est important de se doter d'un nouveau missile intercontinental, ne serait-ce que parce qu'il devient difficile de trouver des pièces pour ces missiles dont les premières versions ont été conçues dans les années 1960.

Beaucoup des fournisseurs initiaux ont disparu, et la rumeur à l'US Air Force dit qu'il a fallu dans certains cas aller sur ebay ou d'autres sites internet pour trouver certaines pièces.

Moral bas 

Le vieillissement du matériel n'est pas le seul problème que doivent affronter les forces de dissuasion terrestres américaines.

L'US Air Force a dû prendre ces dernières années des mesures énergiques pour remonter le moral du personnel affecté aux missiles stratégiques, miné par l'ennui et la baisse du prestige de la fonction avec la fin de la Guerre froide.

Des dizaines de militaires de ces unités ont notamment été surpris en train de tricher à leur tests d'évaluation, et d'autres sont accusés d'avoir consommé de la drogue.

«Je sais que vous pouvez avoir l'impression que les gens ne pensent pas souvent à votre mission», a déclaré lundi le secrétaire américain à la Défense.

«Mais vous pouvez être fiers de ce que vous faites tous les jours pour votre pays», a souligné Ashton Carter en rappelant les mesures prises pour améliorer les conditions de vie du personnel affecté aux missiles, avec par exemple de nouvelles primes ou des installations sportives accessibles 24 heures sur 24.

Les Minuteman III sont dispersés sur trois sites aux États-Unis, les bases de Minot dans le Dakota du Nord, Malmstrom dans le Montana, et Warren dans le Wyoming.

AP

Un missile Minuteman III entreposé au Minot Air Force Base, dans le Dakota du Nord.