Les autorités américaines s'efforçaient jeudi d'endiguer la flambée de violences dans la ville de Charlotte, où l'armée a été appelée en renfort pour contenir les manifestants qui dénoncent l'homicide d'un Afro-Américain par un policier.

Les militaires de la Garde nationale arrivaient au matin dans la ville de Caroline du Nord, quelques heures après l'instauration de l'état d'urgence.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

Le recours à l'imposition d'un couvre-feu était également envisagé par les autorités locales, après une deuxième nuit de violences au cours de laquelle un manifestant a été très grièvement blessé par balle et quatre policiers ont été blessés.

Quarante-quatre personnes ont été interpellées dans la nuit de mercredi à jeudi, a annoncé le chef des forces de l'ordre locales.

« Nous avons procédé à 44 arrestations », a déclaré en conférence de presse Kerr Putney, en promettant un renforcement de la sécurité après deux soirées d'affrontements dans la ville.

Présent sur le lieu de la contestation mercredi, un journaliste de l'AFP a vu un homme s'effondrer au sol, apparemment la cible d'un tir qui le faisait saigner abondamment.

La victime, qui a d'abord été annoncée morte et était jeudi dans un état critique et sous assistance respiratoire, a été touchée par une balle tirée par un civil et non par un policier, ont assuré les autorités.

Elle se trouvait au milieu de centaines de protestataires faisant face aux forces de la police antiémeute, qui ont essayé de disperser la foule.



« Trop, c'est trop »

La soirée avait pourtant commencé dans le calme, par une veillée en hommage à Keith Lamont Scott, un homme noir de 43 ans qui a été, selon sa famille, victime d'une bavure flagrante mardi dans le stationnement d'un immeuble.

D'après la police, M. Scott a été mortellement blessé par balle alors qu'il refusait de lâcher son arme de poing. Ses proches affirment au contraire qu'il n'avait qu'un livre en main.

Mais l'ambiance a dégénéré après qu'un manifestant a descendu un drapeau américain hissé devant un commissariat de police. Des manifestants ont lancé des projectiles contre les forces de l'ordre, qui ont répliqué avec des jets de gaz lacrymogène.

« Trop, c'est trop », se lamentait une femme en pleurs, face aux forces de l'ordre. « Nous avons des frères, des soeurs, des enfants et des parents qui pensent qu'ils ne vivront peut-être pas jusqu'au lendemain ».

Ces deux dernières années aux États-Unis, des policiers ont tué des Noirs parfois non armés dans différentes villes du pays, ou traité des Afro-Américains avec une brutalité gratuite qui a choqué la population.

Mais à Charlotte, l'heure était clairement à la fermeté et au retour à l'ordre.

« On ne peut tolérer la violence. On ne peut tolérer les destructions de biens et nous ne tolérerons pas les attaques actuellement perpétrées contre nos policiers. Ce sujet me fait réagir très vivement », a déclaré sur CNN le gouverneur de la Caroline du Nord, Pat McCrory.

La mairesse de la ville, Jennifer Roberts, n'a pas exclu d'instaurer un couvre-feu, a-t-elle dit sur ABC jeudi matin. « Nous allons certainement parler de cela aujourd'hui ».

M. McCrory, un républicain connu pour son conservatisme, avait déclaré la veille l'état d'urgence et pris l'initiative de déployer la Garde nationale et la police (autoroutière) de l'État « pour aider la police locale ».

Entreprises fermées

Des médias locaux ont prévenu jeudi matin les habitants qu'ils ne pourraient peut-être pas se rendre à leur travail.

« Si vous travaillez dans le centre-ville, appelez votre employeur avant d'y aller. Plusieurs entreprises sont fermées ou travaillent avec un nombre limité de salariés », a tweeté la chaîne locale WCCB.

Selon la mairesse, le centre de la ville et les rues touchées la veille par des violences sont désormais dégagés. « Nous espérons que la journée sera pacifique », a-t-elle déclaré sur ABC.

« Nous nous préparons à la nuit prochaine », et « je demande aux habitants de manifester pacifiquement et de faire tout leur possible pour travailler ensemble », a-t-elle ajouté.

La mort de Keith Lamont Scott a poussé des habitants à protester dès mardi soir. La première manifestation, d'abord pacifique, a dégénéré et 16 membres des forces de l'ordre ont été blessés, selon la police, ainsi qu'un nombre indéterminé de manifestants selon la presse locale.

Abattu sous l'oeil des caméras

Brentley Vinson, l'agent lui-même noir qui a abattu la victime, a été suspendu en attendant les résultats d'une enquête administrative. Il faisait partie d'un groupe de policiers mandatés pour arrêter un suspect.

Déjà cette semaine, la justice avait ouvert une enquête après qu'un Noir non armé a été abattu par une policière blanche à Tulsa, dans l'Oklahoma (sud), sous l'oeil des caméras de police.

Sur les vidéos on peut distinctement voir un homme, Terence Crutcher, tenu en joue par les policiers, marcher jusqu'à son véhicule alors qu'il garde les mains en l'air.

Terence Crutcher, qualifié de « sale type » par un policier à bord d'un hélicoptère, semble approcher ses mains de sa voiture. Il est alors abattu.

Le président Barack Obama a appelé mercredi les maires de Charlottte et de Tulsa. « Tant le président que les deux maires ont répété que les manifestations devaient être pacifiques et que les forces de police locales devaient trouver le moyen de les gérer de manière calme et productive », a rapporté un porte-parole de la Maison-Blanche.

« Nous avons deux noms supplémentaires à ajouter à la longue liste d'Afro-Américains tués par des policiers. C'est insupportable et cela doit devenir intolérable », a déclaré depuis la Floride la candidate démocrate à la Maison-Blanche Hillary Clinton.

Ces violences sont « dramatiques », a tweeté de son côté le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump, promettant de « faire à nouveau de l'Amérique un pays sûr ».

« Encore un Noir non armé tué dans une intervention de la police. Cela ne devrait pas être toléré. Il y a tellement de travail à effectuer », avait réagi mardi la démocrate Hillary Clinton.