Un auvent qui abrite un buffet de salades et fruits. Un bac à tapis de yoga, un coin bibliothèque, et une pile de matelas au pied de laquelle dort un jeune homme en plein jour.

Depuis plus d'un mois, Black Lives Matter (BLM), organisation qui dénonce les violences policières contre les Noirs, campe devant la mairie de Los Angeles pour demander la démission du chef de la police municipale Charlie Beck.

Le LAPD a tué 21 personnes en 2015, plus que la police de Chicago (8 tués) et de New York (8 personnes tuées en 2014, derniers chiffres disponibles). Les Noirs et les Hispaniques sont disproportionnellement représentés.

À «L.A.», Black Lives Matter en est à son troisième campement en deux ans. Matin et soir, les quelques dizaines de piliers du campement se réunissent pour parler de leurs objectifs et de leur vie en commun.

«Ce n'est pas facile, toutes ces personnalités différentes, mais nous devons le faire», assure Jace.

Beaucoup partent travailler ou suivre des cours le jour et reviennent dormir ici la nuit. Ils utilisent les toilettes de bâtiments publics, et ce sont des donations qui alimentent leur buffet.

«Nous essayons de faire de cet espace une représentation du monde auquel nous aspirons, sans police», souligne Christina Griffin, 28 ans, pour qui BLM se veut «un mouvement mené par des Noirs, des femmes, et des homosexuels, transgenres ou bisexuels».

«Ne pas tout brûler»

«Pour l'instant les seules fois où je me suis sentie menacée ici, c'est par la police», assure Brittany Craig, assistante-infirmière de 24 ans, décrivant des ordres de déplacer le camp ici et là.

Un porte-parole du LAPD, joint par l'AFP, a expliqué que la police avait demandé d'évacuer un sous-sol menant à un centre commercial sous-terrain, mais qu'autrement, les militants pouvaient continuer à camper.

La semaine dernière, l'émotion était vive lors d'un hommage à Ezell Ford, dont le portrait à la craie orne le coeur de l'installation. Ce Noir de 25 ans atteint de problèmes mentaux a été tué le 11 août 2014 par deux policiers lorsqu'il marchait seul, sans armes, dans une rue du sud de Los Angeles.

Le LAPD «est la police la plus meurtrière d'Amérique», affirme Melina Abdullah, professeure à l'université CalState et l'une des meneuses à Los Angeles de BLM, créé il y a trois ans en Californie.

C'est en réponse à la décision de l'organe de supervision du LAPD de ne pas poursuivre les agents ayant tué l'an dernier une autre Noire, Redel Jones, que BLM a décidé de s'installer durablement face à la mairie pour exiger le départ de Charlie Beck.

«Nous avons été dévastés par cette décision», raconte Brittany Craig.

Redel Jones était accusée d'avoir volé 80 dollars et d'être armée d'un couteau, ce que contestent des témoins cités par le Los Angeles Times, qui disent qu'elle s'enfuyait lorsqu'elle a été abattue.

D'après un décompte de la radio KPCC, le LAPD a tiré sur 375 personnes entre 2010 et 2014 et aucun agent n'a été poursuivi.

Black Lives Matter a fait parvenir il y a dix jours une pétition avec 9000 signatures au maire de Los Angeles pour lui demander de limoger Charlie Beck.

L'organisation réclame en outre plus de prévention: «54% du budget municipal est alloué à la police» et serait mieux «investi dans les programmes d'étude après les cours, ou dans des logements permanents» pour les plus pauvres, souligne Melina Abdullah.

Si l'attention médiatique s'est beaucoup portée sur New York, Ferguson ou Milwaukee, où les décès de Noirs tués par des policiers ont engendré des soulèvements plus violents qu'à Los Angeles, pour Akili, militant de 68 ans, le degré d'indignation est le même: «nous avons juste choisi de ne pas tout brûler».

Peut-être parce que la deuxième ville américaine a une longue histoire d'affrontements entre sa communauté noire et la police, avec les émeutes de Watts en 1965 et celles de 1992.

Deux campements similaires ont été aussi démarrés par les branches de Black Lives Matter de New York et Chicago.