Le jeune Noir tué par la police de Milwaukee, samedi, était armé et avait un casier judiciaire bien garni. Mais sa mort a néanmoins provoqué une nouvelle vague de manifestations violentes aux États-Unis. Car la communauté afro-américaine s'insurge contre le traitement différent réservé aux Noirs par la police. Et que cette dernière ait eu raison ou non de tirer est secondaire, estime une chercheuse consultée par La Presse.

Les forces de l'ordre de Milwaukee étaient sur le qui-vive, hier soir, craignant une troisième nuit de violences depuis qu'un jeune Noir a été tué par la police de cette ville du Wisconsin, samedi.

Le gouverneur de l'État, Scott Walker, a demandé à ce qu'une centaine de gardes nationaux se tiennent prêts à intervenir en cas de besoin, et un couvre-feu nocturne pour les moins de 18 ans a aussi été mis en vigueur.

En soirée, hier, la ville était toutefois plus calme, a affirmé le chef de police Edward Flynn lors d'une conférence de presse.

Sept policiers avaient été blessés et onze personnes arrêtées, dans la nuit de dimanche à hier, après que les forces de l'ordre eurent essuyé des jets de pierres et des coups de feu lors d'une tentative de disperser des manifestants.

La nuit précédente, les choses avaient dégénéré dans les mêmes circonstances : au moins 6 commerces avaient été incendiés, 4 policiers blessés, et 17 personnes, arrêtées.

Quelques heures plus tôt, samedi après-midi, Sylville Smith, un Noir de 23 ans, avait été tué par la police au terme d'une poursuite à pied.

Le jeune homme au casier judiciaire bien garni était « armé d'un pistolet semi-automatique » qui avait été volé lors d'un cambriolage en mars, a indiqué la police de Milwaukee.

Le policier qui l'a tué, lui-même noir, portait une caméra corporelle dont les images n'ont pas encore été rendues publiques.

«Ras-le-bol» des Afro-américains

La possibilité que le policier qui a tué Sylville Smith ait agi en légitime défense n'a pas empêché cette nouvelle explosion de colère de la communauté afro-américaine.

« Dans les premières réactions, ce n'est pas ça qui compte », constate Amélie Escobar, chercheuse à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Les organisations militantes cherchent plutôt à démontrer qu'il persiste une « différence de traitement » entre les communautés aux États-Unis.

« C'est un fait que les Afro-Américains sont plus touchés que les autres [par les violences policières], sachant qu'ils représentent 13 % de la population, mais 31 % des victimes tuées par les forces de l'ordre. »

Cette disparité s'ajoute aux inégalités sociales présentes dans les banlieues américaines à majorité noire, ce qui contribue au « ras-le-bol » de la communauté afro-américaine et à sa haute réactivité à tout nouvel incident impliquant la police, estime la chercheuse.

Année sombre

L'éclatement de colère à Milwaukee intervient également dans le contexte d'une année assez sombre en matière de morts causées par la police, dont le nombre est « légèrement supérieur » à celui qui prévalait à pareille date l'an dernier, souligne Amélie Escobar.

Paradoxalement, la chercheuse note une « amélioration sensible » de l'attitude de la police envers les communautés ethniques, évoquant notamment la multiplication des caméras portées par les policiers, un « outil non négligeable » qui permet « d'avoir des procès un peu plus justes ».

Il demeure cependant un « flou » entourant les interventions policières qui se terminent mal, relève la chercheuse. « Dans quelle mesure on peut arriver à déterminer que le policier avait tort ou raison de se sentir en danger ? »

« Dans 90 % des cas, [l'usage de la force létale par la police] est justifié. »

Si la situation socio-économique des Afro-Américains connaît elle aussi une amélioration à l'échelle nationale, souligne la chercheuse, il demeure « des situations de ségrégation » au niveau des villes et des États, comme pour l'accès à l'éducation.

« Ce sont souvent des prérogatives des États et non du gouvernement fédéral, conclut la chercheuse. Donc c'est très difficile d'arriver à légiférer à l'échelle nationale sur ce genre de problèmes-là. »

- Avec l'Agence France-Presse

Photo Cengiz Yar, Agence France-Presse

Au cours des incidents qui ont agité le week-end, des véhicules et des commerces ont été incendiés, dont cette station-service. 

Qu'est-ce que la Garde nationale ?

La Garde nationale est un corps de réserve des forces armées des États-Unis composé d'une cinquantaine d'unités qui relèvent à la fois du gouvernement fédéral et de celui des États ou territoires où elles sont basées. Les gardes nationaux, qui occupent en temps normal un autre emploi dans le domaine civil, peuvent ainsi être déployés à l'étranger, comme c'est le cas actuellement en Afghanistan, ou en sol américain lors de catastrophes naturelles ou de troubles sociaux, ainsi que pour de simples opérations de surveillance du territoire.