Les États américains qui cherchent à exécuter par injection létale les détenus condamnés à mort peinent de plus en plus à trouver les produits requis. Et leur tâche vient d'être rendue plus complexe encore par la décision du géant pharmaceutique Pfizer.

Emboîtant le pas à plusieurs autres sociétés du secteur, l'entreprise a fait savoir il y a quelques jours qu'elle entendait réglementer très étroitement la distribution de médicaments qui ont été utilisés ou considérés pour réaliser de telles exécutions.

« Pfizer fabrique ses produits afin d'améliorer ou de sauver la vie des patients qu'elle soutient » et s'oppose conséquemment « avec force » à leur utilisation en vue d'appliquer la peine de mort, a indiqué la direction dans un communiqué de presse.

La décision de l'entreprise n'est pas une surprise puisqu'elle reflète l'opposition croissante du public américain, et du monde pharmaceutique et médical, à cette pratique, relève Diann Rust-Tierney, qui chapeaute la Coalition nationale pour l'abolition de la peine capitale. Le fait qu'un « titan » industriel comme Pfizer emboîte le pas envoie cependant un message fort, dit-elle.

Même son de cloche de la part du directeur du Centre d'information sur la peine de mort, Robert Dunham, qui insiste sur l'impact symbolique de l'annonce.

Les restrictions annoncées par Pfizer ciblent notamment le midazolam, un anesthésiant que certains États ont utilisé au cours des dernières années à titre expérimental lors d'exécutions pour pallier le manque de disponibilité d'un autre produit, le pentobarbital.

Celui-ci est devenu pratiquement inaccessible pour les autorités carcérales après que les autorités européennes eurent imposé aux entreprises du continent de cesser toute exportation vers les États-Unis de produits susceptibles de servir à la peine de mort.

Plusieurs exécutions menées avec du midazolam ont mal tourné. L'Oklahoma avait notamment dû suspendre temporairement l'application de la peine de mort en 2014 après qu'un détenu, Clayton Lockett, eut agonisé pendant 45 minutes. Un autre détenu en Arizona est mort deux heures après le début de l'intervention, ce qui a alimenté la polémique.

Des détenus condamnés à mort en Oklahoma ont tenté de faire bloquer leur exécution en soulignant que le recours à un cocktail médicamenteux incluant du midazolam risquait de se traduire par une mort inutilement douloureuse.

RISQUES DE DÉRAPAGE ?

La Cour suprême américaine, dans une décision partagée rendue en 2015, a conclu que les détenus n'avaient pas réussi à faire la preuve des dangers inhérents à l'utilisation de ce médicament.

Des juges dissidents ont cependant relevé que les protocoles développés en toute hâte par certains États américains pour pouvoir continuer à pratiquer des exécutions par injection létale augmentaient les risques de dérapage.

Certains États se sont tournés vers de petites pharmacies non réglementées pour obtenir les doses requises, offrant une autre avenue de contestation à explorer aux avocats des condamnés à mort.

L'année dernière, une pharmacie de l'Oklahoma qui avait fourni les doses requises de médicaments pour trois exécutions menées au Missouri a fermé ses portes après que les autorités sanitaires eurent recensé des milliers de violations aux normes pharmaceutiques en vigueur.

Mme Rust-Tierney déplore pour sa part que les États qui pratiquent l'exécution par injection létale rechignent à mettre le holà et s'empressent de procéder avec d'autres cocktails médicamenteux.

« Ils refusent de se poser la véritable question : pourquoi devrait-on continuer à recourir à une pratique qui n'a aucun impact sur le plan de la sécurité et dont l'application s'avère extrêmement problématique ? », demande-t-elle.