L'administration américaine doit cesser de « protéger » l'Arabie saoudite et passer outre aux menaces de ses dirigeants en vue de déterminer avec précision quel rôle le pays a pu jouer dans l'organisation des attentats du 11 septembre 2001.

Des familles de victimes veulent la vérité sur le rôle de l'Arabie saoudite dans les attentats

L'administration américaine doit cesser de « protéger » l'Arabie saoudite et passer outre aux menaces de ses dirigeants en vue de déterminer avec précision quel rôle le pays a pu jouer dans l'organisation des attentats du 11 septembre 2001.

« J'ai le droit de le savoir, les Américains ont le droit de le savoir, tout comme le reste du monde d'ailleurs », a déclaré hier en entrevue Terry Strada, qui a perdu son mari dans l'attaque contre le World Trade Center.

La résidante du New Jersey - qui tente depuis des années de poursuivre le gouvernement saoudien avec de nombreuses autres familles de victimes - estime que le gouvernement américain, tant sous la gouverne de George W. Bush que de Barack Obama, continue de donner priorité aux intérêts de Riyad par rapport à ceux de la population américaine.

Elle réclame la divulgation « immédiate » d'une section censurée d'un rapport du Congrès datant de 2002 qui traitait des dysfonctionnements des services de renseignement américains en lien avec les attentats.

Le président Obama doit faire savoir dans les prochaines semaines s'il entend faire déclassifier les 28 pages concernées, qui portent plus précisément sur les ramifications saoudiennes du drame.

L'intérêt pour leur contenu vient d'être relancé de plus belle par les divergences d'opinions médiatisées d'anciens membres de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis.

Dans son rapport produit en 2004, la Commission disait n'avoir trouvé « aucune preuve que le gouvernement saoudien comme institution ou des hauts responsables saoudiens » avaient financé Oussama ben Laden ou son organisation.

Seul un membre du gouvernement saoudien - un diplomate rattaché au consulat à Los Angeles - avait été montré du doigt par la Commission en raison de son rôle présumé dans un réseau de soutien utilisé par deux des terroristes ayant perpétré les attentats.

Les conclusions du rapport avaient été accueillies avec satisfaction par le gouvernement saoudien, qui se disait blanchi de tout reproche.

SOUPÇONS ET ENQUÊTE

Dans une entrevue accordée au quotidien The Guardian il y a quelques jours, un des ex-commissaires, John Lehman, s'insurge cependant contre cette interprétation.

Selon lui, au moins cinq responsables saoudiens faisaient l'objet de forts soupçons et ont fait l'objet d'une enquête. Des employés du ministère saoudien des Affaires islamiques auraient notamment été ciblés.

M. Lehman souhaite que le contenu des 28 pages censurées - qui étaient connues des membres de la Commission - soit rendu public afin que toute la lumière soit faite publiquement sur la filière saoudienne.

Les deux anciens dirigeants de la Commission jugent de leur côté que les pages en question contiennent du « matériel brut, non vérifié » qui pourrait porter préjudice à des personnes innocentes.

PROJET DE LOI

Le rôle potentiel de l'Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre 2001 est aussi au coeur de la polémique touchant un projet de loi sur le financement du terrorisme qui doit être débattu cette semaine au Sénat.

Selon Mme Strada, le projet de loi en question devrait notamment permettre que les gouvernements étrangers qui soutiennent des actes de terrorisme survenant aux États-Unis soient poursuivis devant les tribunaux américains.

Un tribunal d'appel a statué à l'automne que le gouvernement saoudien bénéficiait de facto d'une immunité judiciaire contre ce type de poursuite, bloquant la procédure lancée il y a plus de 10 ans par les familles des victimes des attentats.

Le secrétaire d'État américain John Kerry dit craindre que l'adoption du projet de loi pousse d'autres pays à remettre en cause l'immunité des ressortissants américains et entraîne des coûts considérables pour les États-Unis.

Le gouvernement saoudien, furieux de l'initiative, menace d'ailleurs de vendre 750 milliards de dollars américains de bons du Trésor américains en guise de représailles si le Congrès va de l'avant.

Une menace que Mme Strada assimile à une forme de « chantage ». « Ils veulent forcer les États-Unis à protéger leurs petits secrets alors que l'intérêt du peuple américain est de savoir qui a financé les attentats et de les rendre responsables de leurs actions », souligne-t-elle.