La «sextortion», escroquerie visant à faire chanter quelqu'un avec des photos dénudées soit pour les monnayer soit pour en obtenir de plus osées, est une pratique assez répandue aux États-Unis, selon une étude publiée par un groupe de réflexion américain.

La plupart des victimes sont des mineurs, les prédateurs sont presque toujours des hommes poursuivant plusieurs cibles simultanément, et quasiment toutes les victimes adultes sont des femmes, selon les conclusions de l'étude publiée mercredi, qui précise que la majorité des victimes a choisi de conserver l'anonymat, par honte.

Cette étude de la Brookings Institution est présentée comme la première à se pencher avec autant d'attention sur cette menace qui rode dans le cyberespace.

Bien que des responsables des forces de l'ordre américaines reconnaissent l'existence du problème, aucune agence officielle ou organisation de protection ne recueille de données statistiques sur le problème, a déploré le groupe de réflexion.

Le terme même de «sextortion» n'existe pas vraiment, c'est un mot d'argot utilisé par les procureurs pour faire référence à un comportement qui ne s'inscrit dans aucune catégorie d'agression.

En fonction de l'endroit où l'on se trouve aux États-Unis, cela peut être jugé comme de la pornographie infantile, du harcèlement, de l'extorsion ou du piratage. Mais la «sextortion» est un crime qui n'existe pas «légalement parlant» à l'heure actuelle, a relevé le groupe de réflexion.

Concrètement, cela peut consister à pirater l'ordinateur de quelqu'un pour y dérober une photo ou une vidéo sexy ou à en subtiliser via une webcam. Ces images sont ensuite utilisées pour en extirper davantage des victimes, ou autre chose.

Les esprits malveillants se servent également des réseaux sociaux pour obtenir des images compromettantes auprès des victimes elles-mêmes, puis les font chanter pour en recevoir d'autres.

La Brookings a étudié 78 cas ces dernières années répondant à sa définition de «sextortion» et de nombreux autres qui en comportaient certains critères.

Une triste première

Ces 78 affaires ont été jugées dans 29 États et territoires américains ainsi que dans trois juridictions étrangères.

«Pour la première fois dans l'histoire de la planète, la connectivité mondiale grâce à internet signifie que l'on n'a pas besoin d'être dans le même pays qu'une personne pour la menacer sexuellement», a noté l'étude.

Ces cas ont impliqué au moins 1379 victimes. Mais, pour différentes raisons --la justice n'a pas cherché à retrouver toutes les victimes d'un prédateur, par exemple--, ces 78 affaires pourraient concerner entre 3000 et 6500 personnes, voire même plus, a-t-elle fait valoir.

Dans un rapport distinct, la Brookings a détaillé la façon dont les peines prononcées à l'encontre des auteurs de ces chantages variaient grandement parce que certaines ont été jugées au niveau des États fédérés américains tandis que d'autres l'ont été au niveau fédéral.

Un homme accusé de s'en être pris à au moins 22 jeunes garçons a été jugé dans un tribunal d'État et a reçu une peine d'un an de prison. Un autre, accusé de s'en être pris à une seule personne et traduit devant une cour fédérale, a écopé de douze ans.

Pour le groupe de réflexion, le Congrès des États-Unis doit adopter une législation ad hoc incorporant notamment les crimes fédéraux de maltraitance sexuelle, de pornographie infantile et d'extorsion.

Le rapport sur l'évolution de cette pratique a également révélé des détails sur quelques cas.

L'un impliquait une femme qui avait ouvert un courriel envoyé par un expéditeur inconnu et dans lequel se trouvaient des photos d'elle-même sexuellement explicites, ainsi que des détails sur son emploi, son mari et ses trois enfants. L'expéditeur réclamait qu'elle réalise une vidéo porno.

«Et si elle ne l'envoyait pas dans les 24 heures, il la menaçait de publier les images déjà en sa possession, et «d'informer (sa) famille de son côté obscur»», a raconté l'étude.

En 2013, la police française et des associations avaient mis en garde contre l'explosion de ces cyberescroqueries. Après 600 signalements en 2011, il y en avait eu 2000 en 2012 et deux lycéens s'étaient suicidés cette année-là.

Ces menaces émanaient pour la plupart, selon ces sources, de cybercafés d'Afrique de l'Ouest. Les victimes devaient verser de l'argent --parfois seulement 25 euros-- pour éviter la révélation d'images compromettantes à leurs proches ou sur internet.