Après des semaines de consultations secrètes, Barack Obama a annoncé mercredi la nomination de Merrick Garland, un progressiste modéré, à la Cour suprême, appelant lors d'un discours passionné les républicains à ne pas faire d'obstruction de principe.

«Notre Cour suprême est unique. Elle est censée être au-dessus de la politique et cela doit rester le cas», a déclaré le président des États-Unis depuis les jardins de la Maison-Blanche, conscient que cette proposition se heurterait, à dix mois de son départ, à un tir de barrage de ses adversaires politiques.

«C'est l'homme qu'il faut pour ce poste, il mérite d'être confirmé», a-t-il ajouté sous un soleil radieux, en présence de nombreux sénateurs démocrates.

La haute cour doit se prononcer dans les mois à venir sur une série de sujets politiquement explosifs aux États-Unis: l'immigration, l'avortement, ou encore la lutte contre le réchauffement climatique.

Revenant longuement sur le parcours de cet homme de 63 ans, M. Obama a évoqué «l'un des juristes les plus fins du pays» mais aussi quelqu'un qui a su gagner «le respect et l'admiration» de leaders démocrates comme républicains du Congrès.

Selon la Constitution américaine, les neuf magistrats de la plus haute instance judiciaire, régulièrement appelée à se prononcer sur les grands débats de société aux États-Unis, sont nommés à vie par le président. Il appartient ensuite au Sénat d'approuver ou non ce choix.

Les républicains, qui dominent le Congrès, soutiennent que le remplacement du juge conservateur Antonin Scalia, décédé en février, devrait attendre l'arrivée du prochain président en janvier 2017.

Ils avaient d'ores et déjà prévenu qu'ils refuseront même d'entendre tout candidat du président, quel que soit son curriculum vitae.

L'enjeu est de taille: la Cour est en effet aujourd'hui partagée entre quatre juges conservateurs et quatre juges progressistes. Le nouveau venu aura donc un poids déterminant.

Décédé à l'âge de 79 ans, M. Scalia était depuis trois décennies le relais le plus fidèle des républicains à la Cour suprême, avec son opposition invariable à l'avortement, à l'union homosexuelle, et sa défense farouche de la peine de mort et de la détention d'armes individuelles.

«J'ai fait mon devoir»

À peine le président avait-il terminé son allocution, les républicains ont confirmé qu'ils n'avaient pas l'intention de bouger d'un iota, alors que la campagne électorale fait rage.

«Une majorité du Sénat a décidé de remplir son rôle constitutionnel (...) en s'abstenant de soutenir une nomination lors d'une année d'élection présidentielle», a ainsi lancé le républicain Chuck Grassley, président de la puissante Commission des affaires judiciaires du Sénat.

Dans la soirée cependant, Eric Schultz, porte-parole de la Maison-Blanche, s'est réjoui de voir M. Grassley accepter une rencontre jeudi avec Merrick Garland, une démarche jusqu'alors rejetée par les responsables du parti.

En toile de fond, les élections de novembre pour la Maison-Blanche, mais aussi pour une partie des élus du Congrès. L'objectif du président américain est de prendre l'opinion publique à partie et de placer les candidats républicains à l'élection (ou ré-élection) au Sénat dans une position inconfortable. Si l'unité républicaine se fissurait, la donne pourrait évoluer.

Selon le dernier sondage réalisé par le Washington Post et ABC News, 63% des Américains estiment que le Sénat se doit d'organiser l'audition du magistrat que nommera le président, contre 32% qui pensent le contraire.

«J'ai fait mon devoir constitutionnel. Il appartient aux sénateurs de faire le leur», a conclu M. Obama. «Les présidents n'arrêtent pas de travailler au cours de leur dernière année de mandat. Il devrait en être de même pour les sénateurs», a ajouté l'ancien professeur de droit constitutionnel.

Hillary Clinton, grande favorite pour défendre les couleurs démocrates lors du scrutin présidentiel, a elle aussi appelé le Sénat à assumer ses responsabilités, soulignant qu'en moyenne le processus de confirmation ou de rejet d'un juge nommé à la Cour suprême était de deux mois, pas plus.

«C'est le plus grand honneur de ma vie», a déclaré de son côté, la voix brisée d'émotion, Merrick Garland.

Mais pour l'actuel chef de la cour d'appel de Washington, la Cour suprême pourrait bien demeurer une chimère.