La ville de Flint était déjà une zone sinistrée, avec 70 000 emplois disparus dans le secteur automobile depuis les années 70.

Aujourd'hui, la population de Flint vit une crise encore plus grave, avec une eau contaminée au plomb, une génération d'enfants intoxiqués et une facture difficile à avaler.

En 2013, pour réduire ses coûts de fonctionnement, Flint a décidé de puiser son eau dans la rivière locale plutôt que de continuer de l'acheter auprès de Detroit.

Peu après ce changement, les habitants ont commencé à se plaindre de la qualité de l'eau, et une bactérie dangereuse y a été découverte.

L'ajout massif de chlore pour éliminer la bactérie a accru le taux d'un contaminant, le trihalométhane, dans l'eau du robinet.

Une fois ce problème identifié et combattu, un autre a émergé : l'eau était devenue très corrosive et les vieilles canalisations ont alors commencé à libérer du plomb, la ville n'ayant pas installé de dispositif pour réduire l'acidité, ce qui aurait coûté 100 $ par jour.

Puis, cette semaine, un nombre anormalement élevé de cas de légionellose a été signalé dans la ville de 100 000 habitants.

Ce qui se passe à Flint est une « pure tragédie », selon ce qu'a déclaré hier le président Barack Obama.

LES VISAGES DE LA CRISE DE FLINT

L'EX-MAIRE

Dayne Walling, cet historien et diplômé d'Oxford, élu en 2009, n'avait que l'étiquette de maire, mais aucun pouvoir, pendant que les funestes décisions étaient prises à Flint. En 2011, la Ville a été mise sous tutelle et tous les pouvoirs ont été exercés par un administrateur nommé par le gouverneur.



PHOTO BRITTANY GREESON, THE NEW YORK TIMES

La ville de Flint était sous tutelle lorsque les décisions qui ont provoqué la crise de l'eau ont été prises. L'ex-maire Dayne Walling n'avait aucun pouvoir réel.

LA MILITANTE ET LA PÉDIATRE

Melissa Mays, mère de trois garçons, s'est inquiétée quand elle a commencé à perdre ses cheveux, à avoir des boutons et à se sentir fatiguée. Elle a fondé le groupe militant Water Fighting For, qui a multiplié les manifestations ces derniers mois. C'est une pédiatre, la Dre Mona Hanna-Attisha, qui a sonné l'alarme en septembre. « Toutes les autorités le disent, il n'existe pas de niveau sécuritaire pour le plomb dans l'eau. Quand on voit que le taux de plomb augmente, c'est une urgence et il faut agir. C'est l'une des pires choses qu'on puisse faire à un enfant. Cela affecte toute sa trajectoire de vie. Ça diminue son QI, ça crée des problèmes comportementaux, ça diminue sa capacité à gagner sa vie. »



JOSHUA LOTT, THE NEWYORK TIMES

Melissa Mays a fondé un groupe militant pour protester contre la qualité de l'eau à Flint.

PHOTO JAKE MAY, THE FLINT JOURNAL/AP

La Dre Mona Hanna-Attisha a sonné l'alarme en septembre à propos de l'impact du plomb sur les enfants. 

LES ENFANTS

Le nombre d'enfants ayant un taux de plomb élevé dans le sang a triplé dans trois écoles de Flint. Pas étonnant quand on sait qu'on a mesuré des taux de plomb de 100 à 1300 parties par milliard (ppb) dans l'eau du robinet. C'est au moins 20 fois le niveau d'alerte, qui est de 5 ppb.



PHOTO JAKE MAY, THE FLINT JOURNAL/AP

De nombreux enfants de Flint ont un taux élevé de plomb dans le sang.

LE SCIENTIFIQUE

Marc Edwards, professeur à l'Université Virginia Tech, est l'auteur en 2004 d'un rapport percutant sur la contamination au plomb de l'eau potable de Washington. Il est de retour sous les projecteurs à Flint, où il a dévoilé ses résultats, en septembre. La première réaction des autorités a été de tenter de miner sa crédibilité. « Ça a chauffé, mais la population de Flint nous a appuyés, comme nous l'avons appuyée, a-t-il déclaré. Et nous avions la vérité de notre côté aussi. »



PHOTO BRITTANY GREESON, THE NEW YORK TIMES

Le professeur Marc Edwards a analysé l'eau de Flint pour en mesurer la teneur en plomb.

LA MAIRESSE

Karen Weaver, psychologue de formation, a milité comme tant d'autres citoyens sur la question de l'eau potable avant de se présenter à la mairie et de battre le maire sortant le 9 novembre dernier. Son premier geste a été de déclarer l'état d'urgence.



PHOTO MANDEL NGAN, AFP

Élue mairesse de Flint en novembre dernier, Karen Weaver a aussitôt déclaré l'état d'urgence.

LE GOUVERNEUR

L'image de Rick Snyder, avocat et gestionnaire de formation, millionnaire et républicain, a fortement souffert depuis le début de la crise. Lui qui a augmenté les pouvoirs des administrateurs des villes sous tutelle et qui les a nommés personnellement, il peut difficilement rejeter le blâme sur autrui. Le documentariste Michael Moore, né à Flint, a déclaré sur Twitter hier que la ville était une « scène de crime » et que le « coupable était dans le bureau du gouverneur ». M. Snyder a présenté ses excuses et a débloqué 27 millions pour aider Flint, tout en sachant que la facture pourrait être bien plus élevée.

Sources : Agence France-Presse, The AtlanticCollegiate Times/Virgina Tech, MLive Media Group, Michigan Radio, Washington Post

PHOTO AL GOLDIS, AP

Les décisions du gouverneur du Michigan Rick Snyder ont mené au drame de l'eau à Flint.