Une fois n'est pas coutume, le Congrès américain, à majorité républicaine, semblait sur le point de financer l'État fédéral sans passer par la case «crise». Un compromis budgétaire salué par la Maison-Blanche a été dévoilé mercredi après de longues négociations.

La bonne entente du mois d'octobre, quand le Congrès a relevé le plafond de la dette et adopté les grandes lignes des budgets 2016 et 2017, se poursuit. Les élus devaient concrétiser cette semaine ce budget général en loi de finances pour éviter une fermeture partielle de l'État fédéral, un «shutdown».

La majorité républicaine a publié dans la nuit deux propositions de loi finançant les administrations fédérales, ligne par ligne, jusqu'à la fin de l'année budgétaire 2016, soit 1149 milliards de dollars jusqu'au 30 septembre, et d'autre part renouvelant une cinquantaine de déductions et aides fiscales pour les entreprises et les ménages, au coût de 650 milliards sur dix ans.

«Ce texte est le fruit d'un compromis entre les deux partis et les deux chambres», a déclaré Paul Ryan, le nouveau président républicain de la Chambre des représentants. «Chacun trouvera quelque chose qui lui donnera une raison de voter pour ces deux lois».

Le groupe démocrate de la Chambre n'a pas officiellement apporté son soutien au compromis, mais au Sénat, les démocrates ne devraient pas faire obstruction. «C'est un bon compromis», a dit leur chef, Harry Reid.

Plus crucial, Barack Obama ne devrait pas mettre son veto: le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest s'est félicité de l'équilibre trouvé.

Le budget de fonctionnement inclut plusieurs mesures recherchées par la minorité démocrate, dont les républicains auront besoin pour compenser la défection probable d'élus conservateurs. Le vote aura lieu vendredi à la Chambre, selon Paul Ryan. Le Sénat votera peut-être ce week-end, en tout cas avant mardi.

La chef des démocrates de la Chambre, Nancy Pelosi, a protesté contre certains articles, notamment la suppression de l'interdiction d'exporter du pétrole américain. L'absence de mesure d'aide à Porto Rico, île américaine surendettée, est une autre défaite pour les démocrates.

De nombreux démocrates voteront contre la loi de baisse d'impôts, dont ils estiment qu'elle contient trop de cadeaux aux entreprises, mais là encore la Maison-Blanche et les démocrates du Sénat ont indiqué que le compromis était mieux que rien. Le vote sera jeudi à la Chambre.

Compromis 

Depuis la reconquête républicaine de la Chambre en 2011, les crises budgétaires étaient devenues la norme, le parti républicain étant déchiré entre modérés et conservateurs, ces derniers refusant tout compromis avec les démocrates et Barack Obama.

Mais Paul Ryan, en poste depuis octobre, a réformé le fonctionnement de l'institution et donné plus de poids aux élus de base, notamment conservateurs, dont il espère maintenant la coopération. Une grande loi sur les infrastructures de transport a déjà été adoptée, ainsi qu'une réforme de l'éducation longtemps attendue.

Les négociations ayant traîné sur la nouvelle loi de finances (plus de 2000 pages), la date-butoir initiale du 11 décembre a été repoussée à mardi prochain, pour donner à chaque chambre le temps de voter.

Chaque parti trouvera son compte dans le compromis élaboré.

Pour les républicains, l'inclusion de l'interdiction d'exporter du pétrole, adoptée en 1975 après le choc pétrolier, est une victoire.

Deux nouvelles taxes créées par la réforme du système de santé de Barack Obama en 2010, que les républicains ont longtemps cherché à abroger, seront repoussées ou suspendues plusieurs années.

La réforme du programme d'exemption de visas, dont bénéficient 38 pays dont 30 en Europe, est également insérée: les touristes qui sont allés depuis 2011 en Irak, Syrie, Soudan ou Iran ne pourront plus entrer aux États-Unis sans visa. Les binationaux de ces pays, par exemple les Franco-Iraniens, devront aussi obtenir un visa.

En échange de ces concessions, les démocrates ont obtenu le renouvellement pour cinq ans de crédits d'impôts pour les producteurs d'énergies solaire et éolienne, ainsi que la pérennisation de crédits d'impôts et aides aux familles modestes et aux étudiants. Et l'Agence de protection de l'environnement (EPA), dans le viseur des républicains, est épargnée.