Quelques heures avant de révulser une partie de la planète en proposant de stopper l'immigration musulmane aux États-Unis, Donald Trump a reçu une mauvaise nouvelle. Un nouveau sondage le plaçait au deuxième rang en Iowa, État rural du Midwest qui tiendra le 1er février prochain la première étape de la course à l'investiture républicaine pour la présidence. Pour la première fois, le sénateur du Texas Ted Cruz était en tête.

D'aucuns ont établi un lien entre les résultats de ce sondage et la proposition antimusulmane de Trump. Pour détourner l'attention des médias et éviter de se faire doubler sur sa droite par son rival ultraconservateur, l'homme d'affaires milliardaire aurait choisi ce moment pour sortir le grand jeu. Chose sûre, il n'a pas réussi à freiner la montée de Cruz en Iowa. Celui-ci le devance désormais par 10 points dans cet État, selon un autre sondage, publié samedi soir par le Des Moines Register.

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Artillerie lourde

Les derniers éléments d'une guerre entre Trump et Cruz étaient en place. Et l'ancienne star de la téléréalité a sorti l'artillerie lourde. Lors d'une entrevue diffusée hier sur Fox News, le Donald a notamment utilisé le mot «maniaque» pour décrire son rival.

«Je ne pense pas qu'il soit qualifié pour être président», a-t-il déclaré au journaliste Chris Wallace. «Je ne pense pas qu'il ait le bon tempérament. Je ne pense pas qu'il ait le bon jugement. Rblegardez comment il s'est comporté au Sénat, où il est entré un peu comme un maniaque. Vous ne pouvez pas accomplir des choses de cette façon», a-t-il ajouté.

Élu au Sénat en novembre 2012, Ted Cruz est une figure de proue du Tea Party. À l'automne 2013, ce diplômé des universités Princeton et Harvard a orchestré une croisade futile contre la loi sur la santé de Barack Obama qui a mené à la paralysie partielle de l'État fédéral. Récemment, il a promis d'annihiler le groupe armé État islamique «sous un tapis de bombes».

Trump a soulevé la question du tempérament et du jugement du sénateur de 44 ans parce que celui-ci l'avait déjà attaqué sur ce front. Or, à la différence de son rival, Cruz n'avait pas l'intention que sa critique soit rendue publique. Lors d'une rencontre privée avec des donateurs new-yorkais, mercredi dernier, il a donné sa franche opinion sur deux de ses principaux concurrents, Trump et le neurochirurgien Ben Carson.

«Je les aime et les respecte tous les deux», a-t-il déclaré selon un enregistrement de ses propos obtenu par le New York Times. «Mais je ne crois pas que ni l'un ni l'autre sera notre président.»

«Pensez à Paris, pensez à San Bernardino. Cela a conféré du sérieux à la course, a-t-il ajouté. Les gens se demandent: qui est prêt à être commandant en chef? Qui comprend la menace à laquelle nous faisons face? Qui me rassurera avec son doigt sur le bouton (nucléaire)? Cela pose non seulement la question de la force mais également celle du jugement. Et je pense que c'est une question difficile pour les deux.»

La diffusion de cet enregistrement a sérieusement plombé la stratégie de Cruz à l'endroit de Trump et de Carson. Une stratégie qu'il avait d'ailleurs expliquée aux donateurs new-yorkais: «Mon approche, au grand dam des médias, est de les prendre dans mes bras et de les couvrir d'amour.»

Trump, de son côté, avait jusque-là traité Cruz avec certains égards, les deux convoitant le même électorat. Il avait ainsi réservé ses insultes à ses autres rivaux, dont Jeb Bush («un homme sans énergie»), Marco Rubio («un poids plume») et Ben Carson («un cas pathologique»).

Attaque sur la religion

Mais Trump a ajouté Cruz à ses cibles après avoir pris connaissance des propos qu'il tient à son sujet derrière des portes closes. Lors d'un rassemblement en Iowa, vendredi soir, il a notamment lancé une attaque contre son rival en évoquant sa religion, une de ses forces auprès des évangéliques d'Iowa.

«J'aime Ted Cruz, mais il n'y a pas beaucoup d'évangéliques qui viennent de Cuba», a-t-il dit en mentionnant le pays natal du père du sénateur.

Une victoire de Ted Cruz lors des caucus d'Iowa ne lui garantirait pas l'investiture républicaine, tant s'en faut. Mais elle compliquerait la tâche de Donald Trump, qui met toujours de l'avant son statut de «gagnant» pour séduire les électeurs républicains.

Trump, Cruz et les autres candidats républicains à la présidence croiseront de nouveau le fer à l'occasion d'un débat présenté demain soir par CNN. Cruz aura alors l'occasion de se défendre contre les plus récentes attaques du promoteur immobilier à son endroit. Il décidera peut-être alors que sa stratégie de le couvrir d'amour a fait son temps.