Critiqué au sein du parti républicain pour la tempête qu'il a déclenchée avec ses propos sur les musulmans, Donald Trump a rappelé à ses nombreux détracteurs qu'il pourrait se laisser tenter par une candidature en solitaire à la Maison-Blanche.

D'un tweet ciselé, le favori des sondages a lancé une première mise en garde: «68% de mes supporters voteraient pour moi si j'étais candidat indépendant». Quelques heures plus tard, il enfonçait le clou sur ABC: «Si on ne me traite pas de façon équitable, je pourrais bien sûr l'envisager».

Comment se positionner par rapport au «Donald» à un an de l'élection présidentielle? La question est un véritable casse-tête pour le Grand Old Party, qui redoute un troisième mandat démocrate consécutif à la Maison-Blanche, du jamais vu depuis plus de 70 ans.

Le magnat de l'immobilier a toujours dérangé. Mais sa proposition, dans la foulée de l'attentat de San Bernardino, d'interdire l'accès aux États-Unis des musulmans, rend la partition encore plus difficile à jouer.

Dans l'hypothèse - qui n'est plus aussi farfelue qu'il y a quelques mois - où le milliardaire sortirait vainqueur des primaires, il semble difficile d'imaginer un Marco Rubio, sénateur de Floride, un Jeb Bush, ancien gouverneur et fils et frère de président, mettre tout leurs poids politique derrière lui.

«Il ne sera jamais président», estime Larry Sabato, professeur de sciences politiques à l'Université de Virginie. «La question est de savoir s'il parviendra à se glisser dans le complexe processus de nomination pour devenir le candidat des républicains. Si c'est le cas, ils se dirigent tout droit vers un désastre politique et ils le savent».

De l'ancien vice-président Dick Cheney à l'ex-candidat Mitt Romney, presque toutes les personnalités qui comptent au sein du GOP ont envoyé au cours des dernières 48 heures un message simple aux électeurs (avec cependant des nuances dans le ton): Trump n'est pas un candidat acceptable.

«Honteux et dangereux»

«Il a uni les leaders du parti contre lui. Et l'expérience prouve que cela a toujours, à terme, un impact sur les électeurs», explique Larry Sabato, soulignant les craintes que suscite aussi une candidature du magnat de l'immobilier sur l'issue des élections au Congrès, également prévues en novembre 2016.

Condamnés à céder à Trump l'essentiel de la lumière des plateaux de télévision, les ténors du parti se rassurent en soulignant que les sondages ne sont pas des votes. Et que le vrai combat, celui des primaires, débutera en février 2016 (Iowa, New Hampshire, puis Caroline-du-Sud...). Si Ted Cruz, Marco Rubio ou d'autres engrangent des victoires dans les premières semaines, les lignes pourraient rapidement bouger.

Mais même dans l'hypothèse où il serait battu lors de la primaire républicaine, sa campagne pourrait laisser de douloureuses cicatrices.

Trump sera-t-il bon joueur et appellera-t-il ses soutiens à voter pour le candidat arrivé en tête? Comment réconcilier sa base, chauffée à blanc durant la campagne à coup de déclarations provocatrices et de dénonciations du «politiquement correct», avec celle d'un candidat plus classique?

«Je ne vois aucune réponse évidente sauf celle de la haine de Barack Obama et Hillary Clinton, la seule chose qui puisse permettre au parti (républicain) de se rassembler», résume Larry Sabato. «Mais ce ne sera peut-être pas suffisant».

Profitant d'une commémoration de la fin de l'esclavage, le président Barack Obama a lui lancé mercredi, sans jamais citer le nom du candidat controversé, un appel à lutter contre «l'intolérance sous toutes ses formes».

«Souvenez-vous que notre liberté est liée à la liberté des autres, peu importe ce à quoi ils ressemblent (...) ou la foi qu'ils pratiquent», a-t-il déclaré sous des applaudissements nourris. «Laisser le cynisme nous consommer ou la peur nous submerger serait trahir notre passé».

En campagne à Waterloo, dans l'Iowa, Hillary Clinton, grande favorite du camp démocrate, a elle dénoncé l'attitude du milliardaire, qui, au lieu de faire preuve de leadership, joue «sur les préjugés et la paranoïa».

«Ce n'est n'est pas seulement honteux. C'est dangereux», a estimé l'ancienne chef de la diplomatie américaine.