Avec le recul, Gabriel Ruiz se demande s'il n'a pas assisté à l'une des étapes du projet meurtrier que Syed Farook et Tashfeen Malik sont accusés d'avoir mis à exécution mercredi dans un bâtiment des services sociaux de San Bernardino.

«Un matin, il y a environ un mois, j'ai vu des hommes livrer plusieurs boîtes à l'adresse des suspects», s'est souvenu hier matin l'entrepreneur en construction, qui effectue des travaux de maçonnerie à l'extérieur du complexe résidentiel où Syed Farook louait un appartement, à Redlands, localité située à 11 kilomètres à l'est de San Bernardino.

«Sur le coup, je n'y ai pas prêté attention. Mais je me dis que ces boîtes contenaient peut-être une partie de leur arsenal.»

Et quel arsenal! Dans l'appartement loué au nom de Syed Farook, les enquêteurs ont découvert 12 engins explosifs artisanaux, des ingrédients et instruments pour en fabriquer de nombreux autres et environ 5000 cartouches d'armes à feu. La veille, Farook et sa femme s'étaient présentés à l'Inland Regional Center avec deux fusils d'assaut, deux armes de poing semi-automatiques, 1600 cartouches et trois engins explosifs artisanaux qui n'ont pas détoné.

«Ils étaient certainement équipés et ils auraient pu commettre une autre attaque», a déclaré le chef de police de San Bernardino, Jarrod Burguan, lors d'une conférence de presse hier. «Nous les avons interceptés», a-t-il ajouté en faisant allusion à la course-poursuite qui a mené à l'élimination des suspects à l'issue d'un furieux échange de coups de feu.

Selon la police, Syed Farook, 28 ans, et Tashfeen Malik, 27 ans, ont tiré entre 65 et 75 balles durant la fête de Noël qui réunissait mercredi les employés des services de santé du comté de San Bernardino. Ils ont fait 14 morts, âgés de 26 à 60 ans, et 21 blessés. Quelques heures auparavant, ils avaient confié leur bébé de six mois à sa grand-mère paternelle, prétextant un rendez-vous chez le médecin.

Cerner les motivations

Au lendemain de cette tuerie, la pire aux États-Unis depuis l'assaut dans une école de Newtown, au Connecticut, les enquêteurs ont continué à fouiller l'appartement de Redlands, cherchant notamment à cerner les motivations du couple.

Citant des sources anonymes, des médias américains ont évoqué la possible radicalisation de Syed Farook. Né à Chicago de parents originaires du Pakistan, il aurait séjourné en Arabie saoudite à deux reprises, en 2013 et en 2014, et communiqué avec des islamistes radicaux ou des individus soupçonnés de terrorisme aux États-Unis et à l'étranger. Il était revenu d'un de ces séjours en Arabie saoudite avec sa future femme, native du Pakistan.

Un conflit au travail a peut-être également contribué à la rage de Syed Farook. Selon des témoins, il a quitté la fête de mercredi en colère et y est revenu lourdement armé et masqué en compagnie de sa femme, habillée et équipée de la même façon.

«Ouah! Je ne peux pas croire que cela se produit dans ma rue», a déclaré Don Bell hier, en observant de loin les policiers devant l'appartement de Syed Farook, situé tout juste en face de son condo.

L'informaticien de 59 ans décrit le quartier où il vit depuis plusieurs années comme «relativement tranquille et agréable». On y trouve des condos et des appartements locatifs bien entretenus. Syed Farook et sa femme semblaient y mener une vie discrète, sans histoire.

«Je ne les ai jamais rencontrés et, à ma connaissance, jamais vus», a déclaré Don Bell.

Des portraits contradictoires

Mais Syed Farook n'était pas un fantôme à Redlands. Kasha Shahabi, propriétaire d'une brasserie, se souvient d'avoir eu à affaire à lui, le 3 octobre dernier. Farook, qui travaille comme inspecteur en salubrité, avait contrôlé les comptoirs de dégustation dressés en plein air à l'occasion de l'Oktoberfest. Il avait pris en défaut M. Shahabi pour une infraction mineure.

«Je ne l'avais pas aimé du tout», a raconté ce dernier en montrant un exemplaire du rapport d'inspection signé par Syed Farook. «Il avait une personnalité sèche et froide. Il était comme un robot. Il ne semblait pas être heureux ou aimer son emploi.»

Rencontré dans son restaurant, Kasha Shahabi s'est emporté en parlant des motivations de Farook, qui ne semblent faire aucun doute pour lui.

«Je suis sûr qu'il est un de ces musulmans radicalisés, a dit M. Shahabi, qui est né en Iran il y a 39 ans. L'islam a ruiné mon pays natal et représente aujourd'hui une menace pour mon pays d'adoption.»

Ses anciens collègues brossent un portrait fort différent de Syed Farook, qui avait travaillé pendant cinq ans pour les services de santé du comté de San Bernardino, et de sa femme. «Ils vivaient le rêve américain», a confié au Los Angeles Times Patrick Baccari.

«Je ne l'ai jamais trouvé fanatique ou suspect», a déclaré de son côté Griselda Resinger, qui a travaillé aux côtés de Farook jusqu'en mai dernier.

Même son de cloche à la mosquée de San Bernardino fréquentée par Syed Farook.

«C'était une personne très gentille, très douce», a dit Nizam Ali, l'un des membres de la mosquée Dar Al Uloom Al Islamiyah-Amer. «Cela n'a pas de sens. Nous sommes secoués.»

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Syed Farook

LES VICTIMES IDENTIFIÉES

Les autorités ont dévoilé hier l'identité des 14personnes qui ont perdu la vie lors de la tuerie de San Bernardino:

> SHANNON JOHNSON,

45 ans, de Los Angeles

> BENNETTA BET-BADAl,

46 ans, de Rialto

> AURORA GODOY,

26 ans, de San Jacinto

> ISAAC AMANIOS,

60 ans, de Fontana

> LARRY (DANIEL) KAUFMAN,

42 ans, de Rialto

> HARRY BOWMAN,

46 ans, d'Upland

> YVETTE VELASCO,

27 ans, de Fontana

> SIERRA CLAYBORN,

27 ans, de Moreno Valley

> ROBERT ADAMS,

40 ans, de Yucaipa

> NICHOLAS THALASINOS,

52 ans, de Colton

> TIN NGUYEN,

31 ans, de Santa Ana

> JUAN ESPINOZA,

50 ans, de Highland

> DAMIAN MEINS,

58 ans, de Riverside

> MICHAEL WETZEL,

37 ans, de Lake Arrowhead