L'armée américaine a pris la décision historique d'ouvrir aux femmes tous ses postes de combat «sans exception», y compris les plus exigeants comme les unités d'élite, a indiqué jeudi le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter.

Plus aucune unité réservée aux hommes dans l'armée américaine : les femmes pourront désormais postuler dans toutes les unités de combat de l'armée américaine, y compris l'infanterie ou les forces spéciales.

Au même titre que les hommes, des femmes « pourront conduire des chars d'assaut », « mener des soldats d'infanterie au combat », ou bien être membres des forces spéciales comme les Bérets verts ou les Navy Seals, a expliqué jeudi le secrétaire à la Défense Ashton Carter dans une conférence de presse au Pentagone.

À condition qu'elles « remplissent les conditions », notamment en terme de capacités physiques, exigées de leurs homologues masculins, a-t-il souligné.

Exigence qui risque, de l'aveu du responsable, de limiter de facto la présence féminine à certains postes.

Le chef du Pentagone n'a pas non plus donné de « garantie » sur le nombre de femmes qui pourront entrer dans les unités nouvellement ouvertes, ni sur le rythme auquel ces entrées se feront.

Environ 220 000 postes étaient jusqu'alors fermés aux femmes, soit environ 10 % des effectifs de l'armée américaine.

Le président Barack Obama, qui avait lancé ce processus en 2013, a salué « une étape historique ». « En tant que commandant en chef, je sais que cette évolution (...) contribuera à rendre notre armée encore plus forte », a-t-il indiqué.

La décision de M. Carter a aussitôt aimanté les critiques de parlementaires républicains au Congrès.

Cette ouverture aura « un impact conséquent » sur « les capacités combattantes de notre armée », ont déclaré dans un communiqué commun les présidents des commissions des forces armées du Sénat et de la Chambre des Représentants, John McCain et Mac Thornberry.

Mais pour M. Carter, l'armée américaine a bel et bien besoin d'accéder à l'éventail de talent « le plus large possible » et ne peut se priver de recruter dans « 50 % de la population ».

Le secrétaire à la Défense a reconnu que les femmes souffraient d'un taux de blessures plus fort à l'entraînement, particulièrement dans les postes nécessitant de manipuler des charges lourdes.

Mais les études ont aussi montré « qu'il y avait des moyens concrets » pour faire diminuer ce taux de blessure, a-t-il assuré.

Par sa décision, le chef du Pentagone passe outre le voeu des Marines, le prestigieux corps expéditionnaire américain, réputé pour sa discipline et ses valeurs combattantes. Les Marines voulaient rester des troupes exclusivement masculines, notamment pour leur infanterie.

Mais les Marines étaient isolés dans cette demande, les autres armes et notamment l'Armée de terre et le commandement des forces spéciales n'ayant pas de leur côté demandé à conserver des postes exclusivement masculins, a fait valoir M. Carter.

« Reconnaissance du courage »

Pour beaucoup, les femmes qui forment aujourd'hui 15 % des effectifs de l'armée américaine sont en réalité depuis longtemps à des postes exposés.

Même sans avoir de position de combat proprement dite dans les troupes terrestres, elles se sont retrouvées directement confrontées à des tirs ennemis, dans des guerres comme celle d'Irak ou d'Afghanistan, où la notion de front n'avait pas grand sens.

Près de 9000 femmes militaires ont ainsi déjà reçu une décoration récompensant les soldats « ayant activement engagé le combat avec l'ennemi ou qui ont été attaqués par lui », et deux ont même reçu la prestigieuse Silver star, récompensant le courage au combat.

La décision du Pentagone est « historique », mais elle marque aussi « la reconnaissance du courage » de toutes les femmes qui ont risqué leur vie en Irak, en Afghanistan ou sur d'autres théâtres d'opérations récents, a estimé Gayle Lemmon, auteur de « Ashley's war », un livre qui retrace le parcours d'une femme soldat américaine tuée aux côtés de forces spéciales américaines en Afghanistan.

« Je n'ai pas perdu mes jambes dans une bagarre de bar. Bien sûr que les femmes peuvent servir en position de combat », a renchéri Tammy Duckworth, membre de la Chambre des Représentants et ancienne pilote d'hélicoptère militaire blessée en 2004 en Irak.

Trois jeunes femmes militaires avaient marqué un point symbolique cette année pour la cause des femmes au combat en réussissant pour la première fois la très dure et très prestigieuse formation des Rangers de l'armée de terre américaine.